Département de dentisterie – La réponse aux besoins spécialisés des enfants

Il est 16 heures par un beau vendredi après-midi au département de dentisterie de L’Hôpital de Montréal pour enfants (HME).

Le téléphone sonne. C’est le Dr Cooper qui appelle, expliquant qu’un de ses patients, de tout juste 4 ans, a très mal à une dent. Le jeune garçon et sa mère ont très peu dormi la nuit dernière. La dent doit être enlevée, mais l’enfant refuse catégoriquement de se faire piquer. « Y a-t-il un dentiste à L’HME qui peut le recevoir? », demande Dr Cooper. Absolument. Après tout, l’enfant n’a nulle part ailleurs où aller, et sa mère ne veut certainement pas passer une autre nuit sans dormir.

L’équipe dentaire de L’HME a recours à diverses techniques pour aider les enfants et les adolescents à surmonter leur peur du dentiste, dont le changement de comportement, la contention à différents niveaux (toujours avec le consentement et l’aide des parents), la sédation douce ou, quand tout cela échoue, l’anesthésie générale. Cette dernière n’est certainement pas ce dont a besoin notre jeune garçon de quatre ans. Il a juste besoin d’être un peu rassuré et d’apprendre à faire confiance à son équipe dentaire. Ce qui est sûr, c’est qu’il a fallu peu de temps avant qu’il quitte la clinique dent à la main, sourire aux lèvres et une surprise sous le bras (la Fondation de L’Hôpital de Montréal pour enfants veille à ce qu’il y ait toujours des animaux en peluche au département de dentisterie pour les petits patients).

Mais, ce ne fut pas la seule urgence de ce vendredi après-midi. L’urgence d’un hôpital voisin nous a envoyé un autre garçon, plus vieux cette fois.  Lors d’un malheureux plongeon, ses deux dents de devant ont heurté le fond de la piscine municipale; les dents étaient cassées, branlantes et douloureuses; il fallait intervenir sur-le-champ.

Peu après, des parents inquiets sont arrivés à la clinique avec leur fillette. Les gencives de la petite saignaient et elle refusait de s’alimenter. Les parents étaient particulièrement inquiets parce que leur fille souffre d’un grave retard de développement et ne peut s’exprimer par elle-même. Qui plus est, la fillette souffre d’une anomalie cardiaque, et son pédiatre souhaite prévenir toute infection potentielle.

La journée du vendredi, pour une raison ou une autre, semble toujours être plus occupée que les autres journées quand on parle d’urgences dentaires.

Le département de dentisterie de L’Hôpital de Montréal pour enfants est un centre de traitement qui offre une panoplie complète de services. Sur ses 20 chaises, on y traite entre 80 et 100 patients chaque jour, totalisant quelque 14 000 patients par année, dont 1 520 en urgence. La clinique compte plus de 25 cliniciens qui prodiguent des traitements complets pour des blessures traumatiques, des caries de la petite enfance, des anomalies associés aux fissures palatines, ainsi qu’aux malformations maxillo-faciales et tout un éventail d’autres problèmes buccaux. On y offre aussi des services en dentisterie préventive et opératoire, parodontie, endodontie, prothodontie et chirurgie buccale. La clinique, qui est ouverte cinq jours par semaine sur rendez-vous et en tout temps, jour et nuit, pour les cas d’urgence, prodigue des soins hautement spécialisés dans des locaux très modernes à des patients du Québec, de l’Ontario et des États-Unis. Les cliniciens répondent aussi avec plaisir aux demandes d’autres professionnels et n’hésitent pas non plus à demander l’avis de leurs collègues partout dans le monde.

Des débuts humbles à une renommée internationale

Le département de dentisterie a vu le jour au début des années 1960. En 1973, on n’y comptait encore que cinq chaises. Bien qu’il y avait à l’époque suffisamment d’enfants en santé à traiter, la directrice du département, Dre Stephane Schwartz, souhaitait explorer la physiologie dentaire des enfants ayant des besoins spéciaux, incluant les enfants qui souffrent de retards de développement. « Nous avons réalisé que plusieurs malformations dentaires étaient associées à certains syndromes génétiques. »

En 1984, elle a publié une recherche novatrice démontrant que les enfants atteints de la maladie des os appelée ostéogenèse imparfaite (OI), ou « maladie des os de verre », développaient au niveau de la mâchoire et des dents des anomalies occasionnant des déformations aux dents ou des problèmes à la cavité orale, comme des surocclusions ou des dents incluses. Elle a aussi fait des observations similaires chez les enfants atteints d’hypophosphatémie, une maladie du sang qui se définit par une concentration anormalement basse de phosphates.

En raison de cette recherche, le département a commencé à évaluer et à offrir des traitements aux enfants souffrants d’anomalies osseuses et musculaires. En 2004, Dre Schwartz a été invitée à présenter ses stratégies et ses succès à l'assemblée générale de la Fondation de l’ostéogenèse imparfaite à Baltimore, ce qu’elle a fait de nouveau en 2007 à Chicago. Elle a aussi rédigé un chapitre sur les besoins dentaires des enfants atteints d’OI dans le livre intitulé Interdisciplinary Treatment Approach for Children with Osteogenesis Imperfecta, publié par l’Hôpital Shriners.

Et cela a fait toute une différence. La priorité des Shriners a toujours été la réparation des os. Maintenant, ils savent que le complexe maxillo-facial présente des anomalies qui sont définitivement causées par l’OI et qui doivent être soignées comme toutes les autres anomalies du corps. Aujourd’hui, la controverse est forte entourant la prestation de soins dentaires aux enfants atteints d’OI, et plusieurs dentistes et chirurgiens refusent de les traiter. Quand cela est possible, la clinique dentaire de L’HME prend le relais et soigne ces enfants.

La clinique de L’HME est devenue un important centre de référence dentaire pour les Shriners; la clinique offre des services d’évaluation et de consultation pour des patients au Mexique, en Europe, au Moyen-Orient et en Israël.

Travail d’équipe

Au cours de la dernière décennie, le département de dentisterie a commencé à travailler avec d’autres établissements de santé et départements de L’HME, comme le service d’hématologie-oncologie de L’HME. Les patients atteints de cancer sont susceptibles de développer des infections orales et, consécutivement, des caries dentaires dues aux effets immunosuppresseurs de la chimiothérapie. « Notre travail, c’est de faire en sorte que la bouche de ces patients soit saine, explique Dre Schwartz. Nous ajustons nos horaires pour nous assurer de voir ces enfants entre leurs séances de chimiothérapie. » Selon Dre Schwartz, la souplesse, l’adaptabilité et le respect de l’horaire des patients sont la clé du succès de la clinique.

La clinique dentaire s’occupe aussi des enfants qui souffrent de paralysie cérébrale. Ces patients ont souvent des problèmes avec l’ingestion d’aliments parce qu’ils n’arrivent pas à bien mastiquer. Dre Schwartz a travaillé avec l’école d’ergothérapie de McGill pour développer et tester un appareil buccal susceptible d’aider ces enfants.

Spécialistes des soins aux enfants autistes

Les cliniciens du département de dentisterie sont aussi reconnus pour leur habileté à traiter des enfants qui souffrent de troubles de comportement, comme l’autisme. La clinique a commencé par traiter quelques enfants autistiques pour finalement en faire une de ses spécialités. La patience et le savoir-faire sont le secret du succès des dentistes. « Nous avons les connaissances et les compétences pour en faire une expérience positive pour tous », explique Dre Schwartz.

La clinique de sédation est une autre spécialité du département; il s’agit de la seule clinique au Québec à offrir la sédation consciente à ses patients pédiatriques. Elle a été fondée par l’un de nos dentistes pédiatres, Dr Vu, aussi directeur associé du département de dentisterie de L’HME. Le but était de traiter les enfants en santé qui avaient la phobie des aiguilles et des interventions dentaires. Il s’agit aussi de la seule clinique qui offre des services accélérés d’extraction et de pulpotomie sous anesthésie générale aux tout-petits et aux enfants handicapés qui ont mal en raison de caries profondes et d’abcès dentaires.

Par ailleurs, la clinique fait partie d’une équipe multidisciplinaire, formée de pédiatres, d’oto-rhino-laryngologistes, d’orthophonistes, d’ergothérapeutes et de travailleurs sociaux, pour traiter les enfants qui souffrent d’hypersalivation. Sous la gouverne du Dr Sam Daniel, oto-rhino-laryngologiste, les besoins précis de chaque enfant sont évalués, puis un plan de traitement sur mesure est établi. Habituellement, c’est le Centre de réadaptation MacKay, de Montréal, qui assure le suivi de ces patients.

Le département a également des liens avec la clinique néonatale de L’HME, où les dentistes suivent les enfants nés prématurément. « L’émail des bébés prématurés est plus mince que celui des bébés nés à terme. Nous voyons donc ces bébés vers leur premier anniversaire pour évaluer leur risque de caries », précise Dre Schwartz.

Perpétuer la tradition d’excellence

L’enseignement et les activités de diffusion externes font également partie des priorités du département de dentisterie. Des stagiaires en assistance dentaire font un stage de deux mois à la clinique. « Ils viennent vers nous parce que nous traitons des enfants, et les étudiants n’ont pas beaucoup d’occasions de se familiariser avec cette population », rappelle Dre Schwartz.

Le département chapeaute aussi chaque année quatre ou cinq boursiers en médecine qui veulent acquérir une maîtrise de la dentisterie pédiatrique. Il offre aussi aux cliniciens des cours de formation continue tant à l’échelle locale que provinciale.

Enfin, la recherche clinique est un autre élément fortement valorisé par le département. La caractérisation des anomalies de l’émail, l’utilisation de différentes substances pour la pulpotomie des dents de lait, et la maturation des complexes crânio-maxillaires des patients atteints d’OI sont quelques-uns des projets de recherche qui y sont menés. Les dentistes participent également à un projet de recherche en hémato-oncologie, qui s’intéresse aux effets à long terme chez les enfants et les adolescents qui sont traités par irradiation totale en vue d’une greffe de cellules souches allogéniques.