Donner un nouveau souffle à la vie

L’émotion étreint encore Hélène Gaudreault quand elle parle des premières années de vie de sa fille Karine. Aujourd’hui âgée de 24 ans, Karine travaille à temps plein, mais toute son enfance et son adolescence se sont déroulées sous le signe de la maladie et des injections quotidiennes d’insuline pour soigner son diabète. C’est une découverte faite à l’HME qui a permis de tout changer pour le mieux.

Après la naissance de Karine en 1988, il n’a fallu que quelques jours à Hélène pour comprendre que quelque chose n’allait pas : Karine ne s’alimentait pas. Hélène est retournée à l’Hôpital Charles Lemoyne où elle avait accouché. Moins d’une semaine plus tard, Karine était transférée à l’unité de soins intensifs néonatals de l’Hôpital de Montréal pour enfants, où on lui a fait subir des examens pour diverses maladies, pour finalement découvrir qu’elle souffrait de diabète.
 
Karine a dû être transférée dans une autre unité pour être suivie, et ce n’est que trois mois plus tard que toute la famille a pu rentrer à la maison. Entre-temps, Hélène avait appris à tester régulièrement la glycémie de Karine et à lui faire ses deux injections quotidiennes d’insuline.
 
Au cours des années suivantes, d’autres problèmes de santé sont apparus. À deux ans, Karine a dû prendre du Dépakene pour traiter ses crises d’épilepsie, puis à six ans, on lui diagnostiquait un trouble du spectre autistique.
 
Une découverte qui change tout
 
Dr. Laurent Legault with Karine.
À l’âge de 16 ans, Karine a commencé à voir le Dr Laurent Legault pour son diabète; le DConstantin Polychronakos faisait aussi partie de son équipe de soins.
 
Peu après, Hélène a reçu un appel inattendu du Dr Polychronakos. Il lui a expliqué que la chercheuse Rosemarie Grabs avait identifié une mutation génétique chez Karine, qui en faisait une candidate idéale pour essayer un nouveau traitement antidiabétique sous forme orale en remplacement des injections quotidiennes d’insuline.
 
Après en avoir discuté avec le Dr Legault, Hélène a décidé de faire l’essai. Ils avaient prévu une transition sur deux semaines, au cours desquelles Karine devait être sevrée de ses injections d’insuline tout en commençant à prendre les comprimés de glyburide trois fois par jour.
 
Le Dr Legault explique que Karine était la candidate idéale pour essayer le traitement : « Ce médicament est communément utilisé chez les patients atteints de diabète de type 2, dit-il. Chez certains rares patients, la production d’insuline est en dormance. Le glyburide permet d’ouvrir la voie qui aide à rétablir la production d’insuline et à obtenir un taux de glycémie normal. »
 
Pendant toute la période de transition, les Drs Legault et Polychronakos ont appelé Hélène chaque jour pour vérifier les tests de glycémie de Karine. Hélène rapporte que cela a été bien plus facile que ce qu’elle avait anticipé; à la fin, la dose de Karine a été stabilisée à deux comprimés deux fois par jour.
 
Au-delà de toute attente
 
Ne plus devoir s’astreindre à des injections quotidiennes d’insuline a été un énorme soulagement pour Hélène. Mais, ce qui est arrivé ensuite a dépassé de beaucoup tout ce qu’elle aurait pu espérer. Jusqu’à l’âge de 16 ans, Karine n’était pas une enfant très sociable ni expressive. « On peut dire que le nouveau traitement a été une délivrance pour Karine. Son comportement et son attitude ont totalement changé pour le mieux. »
 
Aujourd’hui, Karine travaille cinq jours par semaine à l’École nationale d’aérotechnique de St-Hubert à un projet parrainé par le Centre de réadaptation en déficience intellectuelle (CRDI). Elle a aussi développé des passe-temps et des intérêts; Hélène raconte qu’elle est un as des casse-tête et qu’elle connaît pratiquement toutes les chansons qui passent à la radio — l’artiste, le titre et les paroles.
 
Une fois par mois, Karine participe à une fin de semaine de retraite dans un centre appelé « Aux Quatres Poches », où elle peut socialiser avec d’autres jeunes adultes présentant des handicaps. Hélène, qui siège au conseil d’administration du centre, raconte que cet endroit a permis à sa famille d’avoir un peu de répit en plus de donner à Karine un sentiment d’indépendance et de lui apprendre à socialiser avec les autres.
 
D’après sa mère, Karine a beaucoup progressé, et elle continue à le faire, pour le plus grand bonheur de toute la famille. « Ma vie n’était pas facile avant que Karine ne commence son nouveau traitement. C’est moi qui ai dû lui faire ses injection
s d’insuline chaque jour pendant 17 ans. C’était parfois très stressant. Mais dès qu’elle a entrepris son nouveau traitement, j’ai pu passer plus de temps avec mon autre fille, Stéphanie, et mon conjoint. Honnêtement, ça a changé toutes nos vies pour le mieux. »
 
Remarque : Karine participe à une exposition de 30 photos. À travers ce projet intitulé « Porter un regard différent sur la déficience intellectuelle », nous souhaitons présenter de nouvelles perspectives, un nouvel éclairage, apporter d’autres points de vue sur les personnes qui vivent avec une déficience intellectuelle. Ce projet met de l’avant leur sensibilité, leur intelligence, leur créativité, leurs passions, leurs forces, leurs plaisirs, leurs amitiés et leurs amours. Des personnes portées par l’amour de leurs familles, par l’amour de leurs amis et par celui de leur communauté. Des personnes de partage qui participent activement à la société, qui nous donnent de formidables leçons de vie et qui comptent dans la vie de nombreuses personnes. Des enfants, des femmes et des hommes non seulement redevables, mais aussi « acteurs de leur propre vie, en position de transmettre et de donner ». Il est intéressant de noter que le terme « déficience » débute par le mot « défi ». Oui, les personnes qui vivent avec une déficience intellectuelle et, bien sûr, celles qui participent à ce projet relèvent quotidiennement des défis avec beaucoup de talent. Un livre relatant les 30 histoires de ces enfants différents sera publié sous peu… Vous pouvez suivre ce projet sur : www.chutregardez.com.