Patients : La motivation derrière la recherche clinique

Trois spécialistes en recherche clinique de L’HME partagent leurs expériences
 
Par Christine Zeindler
 
Pour les docteurs Bruce Mazer, Pia Wintermark et Indra Gupta, la journée commence passablement comme celle des autres médecins. Après être sortis du lit, ils déjeunent, vérifient leur téléavertisseur et passent en revue la liste des patients qu’ils doivent voir. Puis, ils tournent leurs pensées vers une forme différente de médecine et se demandant comment leurs expériences en laboratoire se déroulent. Pour ces médecins de L’Hôpital de Montréal pour enfants (L’HME) du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), les soins aux patients sont inextricablement liés à leurs recherches. Ça leur fait des vies bien occupées, mais ils ne peuvent imaginer faire l’un sans l’autre.
 
« Ça peut me rendre un peu schizophrène », avoue le Dr Mazer, chef du département d’allergie et immunologie de L’HME, en parlant du partage de son temps entre ses patients et son laboratoire. « Comme nous accomplissons toujours plusieurs tâches à la fois, nous sommes sollicités de toutes parts. Nous travaillons de longues heures. Si ce n’était pas si amusant, je ne le ferais probablement pas. Mais c’est extrêmement agréable, profondément satisfaisant et je sais que je le fais pour aider les gens. »
 
Domaine d’intérêt : Les anticorps pour traiter les maladies inflammatoires
 
En plus de diriger plusieurs cliniques en immunologie, et de soigner des enfants atteints d’asthme, d’allergies, de maladies cutanées graves et d’immunodéficience, le Dr Mazer fait de la recherche au laboratoire Meakins-Christie de McGill. Son travail vise essentiellement à comprendre comment les anticorps, ces molécules qui combattent les infections, peuvent aussi contrôler le système immunitaire. « Nous croyons que les anticorps ne sont pas présents dans le corps humain uniquement pour combattre les infections. Nous cherchons à savoir comment l’administration de fortes doses d’anticorps peut ralentir les systèmes immunitaires trop stimulés comme ceux des patients qui souffrent d’asthme. C’est comme si ces molécules entraient dans l’organisme et calmaient la réponse immunitaire. Nous avons déjà observé un tel résultat sur des modèles animaux et humains. » 
 
« Mes recherches me donnent des approches intéressantes pour les parents et les patients. En comprenant mieux comment les cellules travaillent et interagissent, je peux proposer aux familles un peu plus de possibilités et de renseignements. Je pense qu’elles apprécient cela. »
 
Domaine d’intérêt : Refroidir le corps pour combattre les lésions cérébrales
 
La Dre Wintermark, néonatologiste, soutient qu’il faut faire de la recherche dans son domaine d’expertise clinique, à savoir les soins aux nouveau-nés malades. Elle cherche une approche pour freiner les lésions cérébrales qui surviennent lorsqu’un nouveau-né est privé d’oxygène à la naissance, un événement qui peut se produire lors d’un accouchement particulièrement difficile. « Les médecins peuvent réparer des dommages au cœur et à la plupart des organes, mais pour l’instant, nous n’avons pas de solution pour réparer les dommages au cerveau. Dire aux parents que leur enfant a subi ce type de lésion et qu’il n’y a rien à faire est tout simplement inacceptable. »
 
Les recherches de la Dre Wintermark se concentrent sur le refroidissement de la température corporelle des bébés de plusieurs degrés sous la normale pour atténuer les effets des lésions cérébrales. « Cette technique fonctionne bien pour certains bébés. Cependant, d'autres subissent encore des dommages malgré le traitement. Notre objectif est de comprendre pourquoi il y a une différence et comment nous pouvons améliorer le traitement actuel. »
 
La biologie moléculaire pour comprendre la maladie rénale
 
Les patients sont aussi une source de motivation pour les recherches de la Dre Gupta. « Quand je rencontre des enfants atteints d’une maladie rénale et que je vois à quel point ils se battent, ça me motive à retourner au laboratoire et à réexaminer les fondements biologiques qui se cachent derrière la maladie. » La Dre Gupta, néphrologue pédiatrique, utilise la biologie moléculaire pour comprendre l’origine des anomalies héréditaires des reins et des voies urinaires. Bien qu’elle soit optimiste quant aux perspectives d’avenir, elle invite à la prudence face aux attentes. « Je pense que nous devons rester modestes quant à ce que nous pouvons faire en laboratoire, parce qu’il faut de nombreuses petites étapes, sur plusieurs années, pour arriver à une découverte importante plus tard. Je suis attirée par la démarche qui consiste à prendre ce que nous savons des patients, à le transporter au laboratoire, puis à le ramener au patient. Ça demande beaucoup de ténacité, mais ça vaut la peine. »
 
« Les patients demandent pourquoi je suis toujours aussi optimiste, et je dis que c’est parce que je ne fais pas qu’une seule chose. Je pense que le fait de soigner des patients et de faire de la recherche améliore la qualité des soins que j’offre », ajoute le Dr Mazer.