Plus que des douleurs articulaires

Dr. Rosie Scuccimarri et Emersyn Shragie

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

Une fillette atteinte de la forme la plus grave d’arthrite juvénile

La petite Emersyn Shragie, cinq ans, adore colorier, mais il y a deux ans, elle n’était plus capable de tenir un crayon dans sa petite main. C’est pendant des vacances en décembre 2016 que sa famille s’est rendu compte que quelque chose n’allait pas. Le matin, Emersyn pouvait se lever en parfaite forme, mais se retrouver en milieu d’après-midi avec le corps couvert de marques rouges. « Nous pensions qu’elle avait de l’urticaire », se rappelle sa mère, Natalie Ornstein. « Tous les matins au réveil, sa peau était claire, mais vers 15 h, elle commençait à être fiévreuse et l’éruption cutanée réapparaissait. »

De mal en pis

Aussitôt rentrée à la maison, Natalie a amené Emersyn chez son pédiatre, qui l’a redirigée vers un allergologue. On a prescrit à Emersyn une forte dose d’antihistaminique, mais l’urticaire réapparaissait quotidiennement. « Nous avons pensé qu’elle était peut-être allergique à quelque chose, ou alors que c’était un genre de réaction au stress », raconte Natalie. Emersyn a continué à voir des pédiatres et des allergologues qui tous croyaient qu’elle souffrait d’une forme d’urticaire chronique; mais Natalie ne pouvait s’empêcher de penser que quelque chose d’autre n’allait vraiment pas.

Puis, en mars, Emersyn s’est réveillée un matin en hurlant qu’elle ne pouvait plus marcher. En plus, elle n’arrivait plus à se nourrir seule, à s’habiller ou à descendre les escaliers. « Elle glissait sur les fesses comme un bébé », rapporte sa mère. Ses mains et ses pieds ont commencé à enfler, et sa peau à peler. Et elle a arrêté de colorier.  

Enfin un diagnostic!

Insatisfaits du diagnostic de leur fille, Natalie et son mari Shannon ont demandé que d’autres analyses sanguines soient faites. « Les résultats nous ont jetés par terre, dit-elle. Tout était anormal. » Natalie a immédiatement conduit Emersyn à l’urgence de l’Hôpital de Montréal pour enfants (HME) où le médecin urgentiste a vu quelque chose aux doigts d’Emersyn : de l’arthrite.

Il n’a fallu que 10 minutes avec Emersyn pour que la Dre Rosie Scuccimarri, pédiatre rhumatologue à l’HME, sache ce qui la faisait souffrir. La fillette souffrait d’arthrite idiopathique juvénile systémique, une forme d’arthrite chronique rare et potentiellement mortelle. Ce type d’arthrite ne touche pas seulement les articulations du patient, il s’attaque aussi aux organes, notamment à la paroi du cœur, et provoque le gonflement du foie, de la rate et des ganglions lymphatiques. « Nous étions sidérés, mais soulagés en même temps, dit Natalie. Nous savions enfin comment lui venir en aide. »

Plus d’une trentaine d’articulations d’Emersyn étaient touchées, toutes les articulations de ses mains, de ses genoux et de ses chevilles. Ses doigts étaient tellement enflés qu’elle n’arrivait pas à les replier pour fermer le poing. Elle souffrait aussi d’anémie sévère, et ses ganglions lymphatiques étaient enflammés. « Son inflammation était tellement importante que nous redoutions un choc cytokinique, qui peut survenir quand l’inflammation devient anarchique », explique la Dre Scuccimarri.

Un choc cytokinique survient quand le corps commence à produire trop de cytokines, une petite protéine qui est produite en réaction à une infection ou à une maladie inflammatoire. Les cytokines ont le pouvoir de modifier le comportement d’autres cellules, ce qui peut entraîner de très graves complications, comme un syndrome d’activation macrophagique. « Les macrophages sont des globules blancs qui, d’ordinaire, sont utiles au système immunitaire, mais les cytokines peuvent inverser leur action pour les rendre nuisibles, explique la Dre Scuccimarri. Les macrophages commencent alors à ingérer d’autres cellules, comme les plaquettes et les globules rouges et blancs. Si on ne repère pas ce dysfonctionnement tôt, un patient peut mourir rapidement. Heureusement pour Emersyn, nous avons pu stabiliser son état avant d’en arriver là. »

Traiter la maladie

Pour prévenir un choc cytokinique et réduire son inflammation, on a prescrit à Emersyn plusieurs médicaments, dont des corticostéroïdes, un type de médicament anti-inflammatoire puissant. Elle prend maintenant quatre comprimés par jour et reçoit trois injections par semaine à la maison, une obligation qu’elle partage avec sa maman. « J’étais dans la vingtaine quand j’ai appris que j’avais la maladie de Crohn; je suis actuellement en rémission, mais je dois me faire des injections préventives une fois par semaine, explique Natalie. Les samedis, Emersyn reçoit son injection en premier, puis elle tient mon bras pendant que je fais ma propre injection. Ça la rassure de savoir qu’elle n’a pas à faire cela seule. »

Emersyn voit aussi une physiothérapeute et une ergothérapeute pour l’aider avec sa mobilité. « Nous faisons beaucoup d’exercices par le jeu à la maison, comme ramasser les petites pièces du Light Brite. Ce sont ses doigts qui sont les plus affectés par l’arthrite, alors on essaie de travailler sur ça », explique sa mère. Comme sa maladie est rare, Emersyn fait également partie d’un groupe d’étude canadien qui se penche sur son pronostic à long terme. « Dans notre hôpital, on ne voit que deux ou trois cas de ce type par année, et on ne connaît pas la cause sous-jacente de cette maladie. On pense qu’elle est multifactorielle, mais on ne sait pas vraiment si elle est génétique ou déclenchée par une infection, souligne la Dre Scuccimarri. Notre but, c’est de faire reculer ces maladies en phase de rémission en les traitant agressivement. »

Depuis qu’elle a reçu son diagnostic, Emersyn a fait beaucoup de chemin. Aujourd’hui, seules six de ses articulations sont affectées, et elle a recommencé à colorier. « J’aime colorier Cendrillon », dit-elle. En septembre, elle a fait son entrée à la maternelle en plus de commencer à dormir dans son propre lit, une énorme réussite qui lui a valu une nouvelle perle de courage. « Emersyn a plus de 75 perles de courage, et chacune d’elles représente une intervention ou un traitement différent qu’elle a dû subir, explique Natalie. Elle est très fière de ses perles, et nous sommes très fiers d’elle. »