Avancer dans la vie une crise à la fois

Il y a une image que Catherine Nantel, mère de Zoé Sankowski alors âgée de 8 ans, n’oubliera jamais : sa fille qui s’écroule soudainement sur le sol en suffoquant. « J’ai paniqué », déclare-t-elle, ajoutant qu’elle a immédiatement appelé le 911. « La femme au bout du fil m’a demandé de rester en ligne; elle a continué à me parler, me posant des questions, et me disant de rester avec elle. Je n’arrivais même pas à penser. » Quinze minutes plus tard, l’ambulance arrivait. « C’est quand les ambulanciers sont entrés dans la maison que j’ai réalisé tout à coup qu’elle n’était pas en train de s’étouffer, mais qu’elle faisait sa première crise d’épilepsie. »

Comme Catherine allait l’apprendre, les crises d’épilepsie peuvent être vraiment différentes d’un patient à l’autre. La première crise de Zoé était grave, et elle a été suivie de plusieurs autres dans un court laps de temps. Cependant, elles ne ressemblaient en rien à ce que bien des gens imaginent : Zoé n’a pas été agitée de convulsions et elle n’avait pas les yeux révulsés. Elle restait consciente, semblait égarée, et parfois elle tombait au sol. « Si j’avais su cela avant la première crise de ma fille, j’aurais eu une meilleure idée de ce qui se passait », affirme Catherine.

Partie en ambulance de sa maison sur la Rive-Sud de Montréal, Zoé a été conduite à l’Hôpital Charles Lemoyne, où elle a d’abord été stabilisée et soignée, puis on l’a rapidement transférée à l’unité de soins intensifs pédiatriques de l’Hôpital de Montréal pour enfants (HME). « Les médecins ont dû la plonger dans un coma artificiel pendant 17 jours parce qu’elle avait des crises toutes les 15 minutes », raconte Catherine. Peu à peu, la chambre de Zoé s’est remplie d’appareils – près d’une demi-douzaine – pour surveiller ses ondes cérébrales et lui administrer des médicaments. Des spécialistes de différents services ont été consultés pour essayer de comprendre ce qui avait pu provoquer les crises d’épilepsie de Zoé si soudaines et agressives. On a envisagé toutes les possibilités, incluant le fait que Zoé avait reçu un diagnostic de trouble du spectre de l’autisme plus tôt dans son enfance. « Nous avons rencontré des professionnels en génétique, maladies infectieuses, neurologie et bien d’autres spécialités pour essayer de comprendre. Était-ce causé par une sorte d’infection? Que se passait-il? » Mais, les conclusions étaient loin d’être claires.

Annonce d’un nouveau diagnostic

Peu à peu, après quelques semaines, l’état de Zoé a commencé à s’améliorer; elle a recommencé à marcher et à parler plus, et à reconnaître les gens qui l’entouraient. La famille Sankowski a été dirigée vers le neurologue pédiatre, le Dr Guillaume Sébire, clinicien chercheur et directeur de la division de neurologie pédiatrique à l’HME. « Il n’arrivait pas à bien comprendre le cas de Zoé, raconte Catherine, notamment parce que ses crises s’étaient d’abord apaisées, puis avaient soudainement repris de plus belle. » Après un réexamen approfondie de son cas et des discussions avec la famille, le Dr Sébire a expliqué que la maladie de Zoé, faisant partie de la famille de l’épilepsie, était appelée « encéphalite auto-immune ».

« En fait, le mot épilepsie est un ancien terme utilisé pour décrire un état où le patient est victime de crises épileptiques sur une période de plusieurs semaines, explique le Dr Sébire. Mais, il y a des milliers de causes différentes à l’épilepsie. Dans le cas de Zoé, son système immunitaire réagit et attaque son cerveau. Cela cause une inflammation du cerveau qui excite certains neurones et entraîne leur dysfonctionnement. Le résultat, ce sont des crises d’épilepsie ou parfois la perte de cellules cérébrales. » 

Pour maîtriser ses crises, Zoé prend plusieurs médicaments, mais ils ne suffisent pas à contrôler le nombre ou la fréquence des crises qu’elle subit. C’est pourquoi, dernièrement, le Dr Sébire a entrepris de soigner Zoé avec un nouveau traitement d’immunoglobuline qui cible des anticorps dans son sang, dans l’espoir que ça empêche son système immunitaire d’attaquer son cerveau.

« Les traitements dureront 4 mois afin, espérons-le, de réguler la réponse immunitaire de Zoé, explique le Dr Sébire; si ça fonctionne, nous continuerons pendant un an ou deux, ce qui pourrait complètement éliminer la pathologie de sa maladie et, avec un peu de chance, faire disparaître ses crises. »

Les traitements doivent être administrés par voie intraveineuse à l’hôpital et nécessitent de nombreuses visites; mais si ça fonctionne, ils pourraient changer sa vie.

S’adapter à une nouvelle réalité complexe

Voir un jour sa fille libérée de ses crises est un rêve que Catherine caresse ardemment, mais elle ne veut pas trop y songer. « Ce qu’il y a avec l’épilepsie, c’est que vous ne pouvez pas prévenir ou contrôler les crises. C’est une maladie qui vient avec énormément d’appréhensions et de craintes, parce que ça ne touche pas seulement votre enfant, ça touche toute la famille. »

Catherine et son mari savent que les crises ne sont pas dangereuses pour leur fille, et qu’il s’agit simplement d’un symptôme de sa maladie, mais comme Catherine l’explique : « vous devez quand même vivre avec et gérer tous les risques associés à la possibilité qu’elle fasse une crise ».

Bien que tous deux font de leur mieux pour que Zoé puisse participer à des activités comme les autres enfants de son âge, Catherine explique qu’évaluer les risques au quotidien est une nouvelle réalité pour leur famille. « Notre cercle d’amis s’est rétréci et notre calendrier est moins rempli; nous ne planifions pas trop en avance, explique-t-elle. Nous devons nous assurer de choisir les bonnes activités pour Zoé et toujours évaluer la situation : que se passe-t-il si elle fait une crise en plein milieu d’un camp de jour? Que devons-nous faire si nous allons à une fête d’anniversaire et qu’elle fait une crise? C’est très difficile. Mais chaque journée sans crise est une petite victoire. »

C’est une petite victoire quotidienne que le Dr Sébire partage comme objectif d’avenir. Avec des recherches, il espère offrir aux familles comme celle de Zoé des traitements plus ciblés et personnalisés grâce à la cartographie génétique qui pourrait leur donner plus de réponses que la médecine le fait actuellement. « Une maladie comme celle de Zoé, qui est encore mal comprise à bien des égards, cause beaucoup de souffrance à toute la famille. Je pense que la recherche détient la clé pour une meilleure compréhension dans l’avenir, et peut aider à obtenir des réponses là où il n’y en a aucune. »