Guérir le corps et l’esprit

Une psychologue aide les enfants et les adolescents à retrouver la santé après un accident

Audrey-Ann fait partie des gens qui savent à quel point la vie peut basculer d’un jour à l’autre. En août dernier, la jeune femme de 16 ans a été éjectée de son scooter lors d’un accident de la circulation. Elle a d’abord été conduite à l’Hôpital Anna-Laberge; mais quand on a suspecté une blessure au cou, elle a vite été transférée à l’urgence de l’Hôpital de Montréal pour enfants (HME), où l’équipe de traumatologie l’attendait. « On a vu une dizaine de personnes à notre arrivée », raconte Danny, le père d’Audrey-Ann. « C’était extraordinaire de les voir se mettre au travail. »

Les jours et les semaines qui ont suivi l’accident ont été bien remplis. Audrey-Ann souffrait de graves brûlures à la jambe gauche, et elle a dû passer trois heures et demie en salle d’opération pour recevoir des greffes de peau à trois endroits. En raison d’une fracture au cou, elle a dû porter un collier cervical 24 heures sur 24 pendant 13 semaines. Elle a repris le chemin de l’école en fauteuil roulant, et a fait de nombreux passages à l’HME pour des rendez-vous en chirurgie plastique, en orthopédie et en ergothérapie. Le rétablissement d’Audrey-Ann se passait plutôt bien, jusqu’à ce qu’elle commence à avoir d’autres problèmes.

« Au début, je ne pensais pas que l’accident m’avait beaucoup affectée, mais après avoir repris l’école, j’ai commencé à me sentir très fatiguée et un peu déprimée. Ça n’allait pas du tout comme je le voulais, dit-elle. J’avais l’impression d’avoir la tête ailleurs et je n’étais plus moi-même. » Le fait d’avoir des problèmes avec ses devoirs n’a pas aidé. Un jour, après une dictée de français, elle a réalisé qu’elle avait omis des mots dans certaines phrases. « Je n’avais jamais eu de problèmes à écrire, alors ça m’a un peu fait paniquer. » Rétrospectivement, son père pense qu’elle a probablement recommencé trop tôt. « Elle pensait qu’elle était prête, mais le traumatisme lui prenait toute son énergie; elle ne pouvait pas se concentrer, elle ne pouvait pas écrire », rapporte Danny.

C’est là qu’un membre de l’équipe de traumatologie a suggéré qu’Audrey-Ann rencontre la psychologue de l’équipe, Catherine Serra-Poirier, Ph. D. À son premier rendez-vous, Audrey-Ann raconte qu’elle n’allait vraiment pas très bien : elle ne suivait que la moitié de ses cours, ne passait pas d’examens et ne faisait ni exercices ni activités extérieures. « Rien ne m’intéressait, dit-elle. J’étais vraiment stressée et je ne voulais plus aller à l’école. Catherine m’a dit que c’étaient des signes de dépression. »

Des connaissances et une expertise approfondies

Pendant ses études de doctorat en psychologie du développement à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), la Dre Serra-Poirier a fait une année de résidence à l’HME. « Le stage nous donne l’occasion de travailler dans plusieurs services d’un hôpital et de voir ce qui nous intéresse », souligne-t-elle. Après avoir travaillé à l’HME, elle a su qu’elle ne voulait plus en partir. « C’est une équipe incroyable, avec un bagage de connaissances et de compétences qu’on retrouve rarement ailleurs. » 

Aux yeux de la Dre Serra-Poirier, la traumatologie est un domaine très intéressant et stimulant, qui lui va comme un gant étant donné son intérêt marqué pour la psychothérapie et l’évaluation des cas complexes. Elle travaille également à la clinique des troubles alimentaires de l’hôpital, en plus de développer et mettre en œuvre des programmes psychothérapeutiques de groupe pour les patients et leurs parents.

En tant que membre de l’équipe multidisciplinaire de traumatologie, la Dre Serra-Poirier rencontre souvent des patients quelques jours ou semaines après leur accident. Ses patients ont entre 4 et 18 ans, et ils présentent une variété de difficultés liées à leur traumatisme et parfois à des vulnérabilités préexistantes.   

« La première fois qu’Audrey-Ann est venue me voir à l’automne, elle était vraiment dans un état de stress aigu à la suite de son accident. Au départ, mon rôle était d’empêcher qu’elle développe un trouble de stress post-traumatique, explique la Dre Serra-Poirier. Audrey-Ann éprouvait encore de la peur et elle avait parfois des cauchemars, c’est donc là-dessus qu’on a concentré nos interventions. Notre travail visait, entre autres objectifs, à lui redonner un sentiment de sécurité et à l’aider à gérer les émotions complexes associées au traumatisme. »

« Au fur et à mesure que la psychothérapie avançait, je pouvais voir les progrès. Elle commençait à montrer des changements notables au niveau de son fonctionnement », raconte-t-elle. Comme les symptômes de dépression commençaient à s’estomper, Audrey-Anne et la Dre Serra-Poirier se sont mises à travailler sur l’impact des greffes de peau sur son image corporelle. « Les progrès d’Audrey-Ann illustrent bien comment les priorités et les besoins d’un patient peuvent évoluer en cours de route, nous amenant souvent à modifier ou adapter notre plan de traitement », précise-t-elle.

Audrey-Ann estime que le travail fait avec la Dre Serra-Poirier a été très profitable. « Je n’avais pas toujours l’impression que les gens comprenaient ce que je vivais, mais elle a écouté, elle a compris et elle m’a aidée à me sentir mieux. » 

Travailler de concert avec les écoles

La Dre Serra-Poirier explique que son travail avec les patients l’amène souvent à communiquer avec les enseignants et le personnel de l’école. « Il faut aider le personnel de l’école à soutenir l’enfant, par exemple en s’assurant que l’enfant ou l’adolescent avance à un rythme qu’il peut tolérer et n’accumule pas trop de retard, pour éviter que le retour à temps complet soit trop difficile », souligne-t-elle. En travaillant avec l’enfant, les parents et l’école, les psychologues peuvent adjoindre des informations importantes pour offrir le meilleur traitement possible.

Audrey-Ann a progressé petit à petit jusqu’à retrouver un horaire de cours complet, et elle est sur le point de recommencer à passer des examens. Non seulement elle obtiendra son diplôme avec ses camarades de classe en juin, mais elle devrait aussi pouvoir commencer le cégep à l’automne. « Je me sens vraiment beaucoup mieux maintenant, dit-elle. Et je suis remplie d’enthousiasme pour l’avenir. »