Trouver la lumière

La force de continuer après le décès de leur fillette

Certaines histoires sont terriblement difficiles à mettre en mots. Elles sont difficiles à écrire, et en parler est encore plus difficile. Mais, elles doivent tout de même être racontées. Ophélie Fournier avait 16 mois quand elle est décédée paisiblement dans le lit de ses parents, blottie contre sa mère. Avant qu’elle s’endorme, ses parents Stéphanie et David ont passé des heures à la serrer dans leurs bras, à l’embrasser et à lui dire au revoir. Ils savaient qu’elle allait bientôt mourir. Son corps ne pouvait plus tenir.

Stéphanie était enceinte de six mois quand elle a perdu sa fille. À ce moment-là, son fils aîné Jacob n’avait que trois ans. Quand elle lui a expliqué qu’Ophélie était maintenant une étoile dans le ciel, il s’est précipité à la fenêtre pour essayer de la trouver. Les jours qui ont suivi lui ont semblé bien vides. Tout ce qu’elle voulait, c’était tenir sa fille dans ses bras encore une fois, sentir la chaleur de ses joues sur les siennes. Personne ne savait pas trop quoi dire. Certains n’osaient pas leur parler, à elle et Davis, tandis que d’autres se comportaient comme s’il n’était rien arrivé – comme si leur vie n’avait pas basculé à jamais. « Perdre un enfant, c’est comme perdre une partie de soi. Avec le temps, vous apprendrez à vivre, mais plus rien ne sera jamais pareil », dit Stéphanie. Heureusement ils la chance d’être bien entourés par famille et amis.

Ophélie avait à peine deux mois quand elle a commencé à souffrir de crises d’épilepsie. Chaque épisode se terminait par une visite au département d’urgence de l’Hôpital de Montréal pour enfants. Elle a fini par être hospitalisée, puis a subi plusieurs examens. C’est le 6 octobre 2010 que ses parents ont reçu la pire des nouvelles. Leur fille allait mourir et on ne pouvait rien faire. « Les images de l’IRM parlaient d’elles-mêmes. On nous a dit que le cerveau d’Ophélie était trop petit et qu’il n’arrivait pas à répondre aux demandes de son corps en croissance », explique Stéphanie. « Il n’y avait ni traitement ni remède. Ni encore moins de miracles. »

Après avoir reçu cette nouvelle dévastatrice, les membres de la famille Fournier ont décidé de rentrer à la maison, entourés de leurs parents et amis, et de profiter au maximum de la courte vie d’Ophélie. Ils n’avaient aucun contrôle sur cette horrible situation, mais ils avaient le choix de se lever chaque jour et d’en tirer le meilleur parti. « Nous voulions vraiment lui offrir une vie de bonheur absolu », raconte Stéphanie. En travaillant avec l’équipe des soins palliatifs de l’HME, Stéphanie et David ont examiné toutes les options et tous les services qui étaient à leur disposition. Jour après jour, ils ont appris à s’adapter à ses besoins.

Ophélie dormait beaucoup. Elle avait un grave retard de développement et souffrait de raideur dans les jambes et les bras ainsi que de douleurs neurologiques. Mais ses parents ont choisi de ne pas se concentrer sur les choses qu’elle ne pouvait pas faire; ils ont plutôt mis toute leur énergie à lui offrir la vie la plus paisible et la plus heureuse possible. Ophélie ne réagissait pas au son, mais elle réagissait au toucher, c’est pourquoi ses parents la prenaient aussi souvent que possible. Ils lui caressaient les joues et se blottissaient contre elle dans leur lit. Elle adorait aussi l’eau, alors ses parents lui préparaient des bains où elle pouvait passer des heures assise calmement.

Stéphanie a commencé à tenir un blogue pour raconter l’expérience vécue par sa famille. Ça l’a aidé à mettre de l’ordre dans ses idées et ses émotions, et elle a commencé à prendre contact avec d’autres familles qui vivaient la même épreuve. C’était aussi une façon de s’assurer de garder bien vivant l’héritage d’Ophélie une fois qu’elle serait partie. Stéphanie a essayé de terminer chacun de ses billets sur une note positive, mais après le décès d’Ophélie, c’est devenu de plus en plus difficile. « Quand Ophélie était vivante, nous avons tenté de profiter de chaque moment. Nous avons véritablement célébré sa vie, mais après son départ, tout semblait simplement trop lourd, dit-elle. Le vide était immense. » 

Une autre chose rongeait littéralement Stéphanie et David, et c’était le diagnostic officiel d’Ophélie. En fait, il n’y en avait aucun. Des généticiens avaient découvert une mutation génétique dans son ADN mitochondrial, mais ils n’avaient jamais rien vu de tel. Ils ne pouvaient pas dire si cette mutation était responsable de la maladie, ni si Jacob et leur nouveau-né Adam étaient à risque. Ils ne savaient même pas si la mutation était apparue dans le corps d’Ophélie ou si elle avait été transmise par Stéphanie et David. Puis, le 16 octobre 2014, presque quatre ans après avoir appris que leur fille allait mourir, ils ont enfin eu la nouvelle qu’ils attendaient.

Ophélie est décédée d’une maladie neurodégénérative appelée « déficit du complexe pyruvate déshydrogénase ». En fait, une mutation s’est produite dans le code mitochondrial d’Ophélie, faisant en sorte que ses mitochondries, aussi appelées « centrales électriques des cellules », ne pouvaient pas fournir suffisamment d’énergie à ses cellules. « Au moment où le cerveau commandait une dose d’énergie à ses cellules responsables de le créer... oups la réserve était vide et la cellule n’était pas en mesure de charger ses batteries », écrit Stéphanie dans le dernier billet de son blogue. « Cela explique pourquoi son cerveau était si petit. » Le diagnostic a permis de dissiper d’autres inquiétudes de la famille. La conseillère en génétique a confirmé que la maladie était apparue dans le corps d’Ophélie après sa conception, et qu’elle n’avait pas été transmise par Stéphanie ou David. Il n’y avait aucun risque pour Jacob et Adam. La famille avait maintenant l’impression de pouvoir tourner la page.

« Ophélie est née comme ça. Elle était celle qu’elle était, et elle sera à jamais dans nos cœurs. Elle nous a appris la vie et c’est son héritage. Nous vivons aujourd’hui une minute à la fois, une larme à la fois, un sourire à la fois », dit Stéphanie. « Notre histoire en est une de vie, d’amour et de résilience, et tout cela grâce à elle. »

Le programme de soins palliatifs pédiatriques de l’HME offre un ensemble complet de soins aux enfants atteints de maladies incurables ou en fin de vie à l’hôpital, et à domicile. L’équipe s’occupe de diverses questions cliniques : la prise en charge de la douleur et des symptômes; la communication relative aux soins de fin de vie; le soutien aux frères et sœurs; la planification préalable des soins; les options et les préférences quant au lieu où sont donnés les soins; l’évaluation psychologique et spirituelle; les solutions de traitement sur le plan de la qualité de vie; et le soutien aux personnes en deuil. « Notre objectif est le même : maximiser les bons moments et minimiser les mauvais », explique Marie-Claude Proulx, infirmière clinicienne spécialisée au programme de soins palliatifs pédiatriques de l’HME. « Nous discutons souvent de l’objectif principal des familles, et nous les aidons à trouver des traitements qui cadrent avec cet objectif. » L’équipe travaille en étroite collaboration avec des partenaires de la communauté et offre des services 24 heures par jour, 7 jours par semaine.