Encourager l’allaitement, c’est un effort de société

« Le soutien à l’allaitement n’est pas un enjeu qui concerne uniquement les professionnels de la santé, c’est aussi un effort de société », affirme Sonia Semenic, chercheuse en sciences infirmières au Centre universitaire de santé McGill et une des chercheuses principales dans le cadre d’un projet de recherche sur l’évaluation des lignes directrices en allaitement maternel au Québec. Le rapport, diffusé récemment par le Fonds québécois de recherche sur la société et la culture(FQRSC),souligne notamment le rôle important que doit jouer la société dans l’accueil et le soutien des mères qui allaitent ailleurs qu’à la maison.
 
« L’élément essentiel et celui qui fait défaut dans bien des endroits au Québec, c’est tout simplement le soutien social envers l’allaitement, surtout pour les femmes en milieu rural, où les taux d’allaitement sont généralement plus faibles et où les femmes sont peut-être moins bien préparées à faire face aux réactions négatives de l’entourage », précise Mme Semenic, qui est aussi professeure adjointe à l’École de sciences infirmières de l’Université McGill. « L’allaitement en public est encore mal perçu au Québec; de nombreuses mères allaitantes vivent dans l’isolement et ne se sentent pas toujours appuyées par le milieu social. »
 
Un des objectifs du rapport visait à évaluer la mise en œuvre de l’Initiative Amis des bébés (IAB) dans la province. L’IAB est un programme multidisciplinaire mondial lancé par l’Organisation mondiale de la santé et l’UNICEF qui a pour objectif de transformer les services de santé de façon à assurer aux mères et aux bébés un soutien optimal à l’allaitement. Mme Semenic et ses collègues ont mené des entretiens avec 214 personnes regroupant des décideurs du domaine de la santé, des gestionnaires, des fournisseurs de soins périnataux et des mères allaitantes. Elles se sont penchées sur les barrières et les éléments facilitateurs dans l’implantation de modalités de soutien à l’allaitement dans différents contextes de soins de santé au Québec.
 
En comparant des hôpitaux et des CLSC où l’IAB a été mise en œuvre à divers degrés, les chercheurs ont constaté que les établissements où avaient été mises en place des ressources au programme affichaient les taux les plus élevés de soutien à l’allaitement. « Positionner l’allaitement comme enjeu clinique et allouer des ressources humaines et financières nécessaires au soutien du programme sont les éléments clés du succès dans l’implantation de l’IAB », soutient Mme Semenic.  
 
Elle souligne que, même si le gouvernement a déployé de grands efforts afin de promouvoir l’allaitement comme mode d’alimentation optimale pour les nourrissons et les jeunes enfants cela ne signifie pas pour autant qu’il a mis en place les ressources nécessaires dans le réseau de la santé pour assurer un soutien continu aux mères désireuses d’allaiter.
 
« Nous constatons qu’un grand nombre de femmes qui ont commencé à allaiter sans succès se sentent coupables, car on leur a répété que l’allaitement est la meilleure option », explique Mme Semenic. « Si nous consacrons autant d’efforts à la promotion de l’allaitement, nous devons ensuite nous assurer que les mères qui commencent à allaiter obtiennent le soutien dont elles ont besoin auprès des professionnels de la santé et de la société. Autrement, nous nous retrouverons avec de nombreuses mères qui vivront l’allaitement comme une expérience désagréable. »
 
D’après la chercheuse, les bienfaits de l’allaitement sur la santé sont nombreux et bien établis. Toutefois, elle avance que plus de recherches sur la perception des mères quant à l’allaitement et au soutien à l’allaitement doivent être menées. « Les mères doivent être impliquées dans le processus décisionnel entourant les enjeux liés à l’allaitement au Québec. »
 
Voici le lien vers le rapport intégral : « L'évaluation de la mise en oeuvre des lignes directrices en allaitement maternel au Québec »