Identité de genre : au-delà des apparences

Quand un garçon ou une fille vient au monde, son identité sexuelle ne pose habituellement pas de problème. Faute de différence physique marquée chez le bébé, une fille a un vagin, et un garçon a un pénis. Puis, généralement, les parents habillent leur enfant avec des vêtements propres à son genre, lui achètent des jouets propres à son genre et ainsi de suite. Mais, en réalité, est-ce si simple? Selon le Dr Shuvo Ghosh, pédiatre du développement à L’Hôpital de Montréal pour enfants du CUSM, ce ne l’est pas.
 
« En travaillant dans le domaine du développement de l’enfant, une partie de mon travail consiste à rencontrer des familles dont les enfants ont des problèmes d’identité de genre », explique le DGhosh. « Par exemple, une jeune fille peut avoir l’impression d’être réellement un garçon emprisonné dans un corps de fille. Ce n’est pas une chose facile à accepter ou à comprendre pour les parents. Il faut beaucoup discuter avec ces familles pour en arriver à un point où les parents acceptent leur enfant pour ce qu’il est et envisagent les prochaines étapes pour le bien-être leur enfant. »
 
Selon lui, l’identité de genre se définit comme une conception personnelle de soi comme homme ou femme (ou, dans de rares cas, comme les deux ou ni l’un ni l’autre). Par exemple, si une personne se considère comme un homme et est plus à l’aise de parler d’elle en des termes masculins, son identité de genre est alors celle d’un homme.
 
Quand une famille vient consulter le DGhosh en raison d’un problème d’identité de genre, il faut compter de nombreuses rencontres individuelles avec l’enfant et les parents pour trouver comment procéder. Certains parents et enfants décident que l’enfant franchira les étapes une à une pour aller vers une véritable transition physique au sexe opposé. La décision de subir ou non une intervention chirurgicale pour transformer un pénis en vagin, par exemple, se prend beaucoup plus tard, lorsque l'enfant a 17 ou 18 ans et qu’il peut décider lui-même.
 
Pour mener à bien le processus de transition, s’il est choisi, il existe des traitements réversibles, partiellement réversibles et irréversibles. Toutefois, même les traitements irréversibles ne sont pas toujours permanents si en grandissant l’enfant change d’idée. Le plus difficile est souvent de commencer. « Lorsqu’on a un très jeune enfant (le plus jeune avait 5ans) aux prises avec de nombreux troubles psychiatriques découlant de son problème d’identité de genre, nous n’avons parfois pas d’autres choix que de commencer immédiatement le traitement par certaines des étapes réversibles, explique le DGhosh. Cependant, c’est habituellement à la puberté, vers l’âge de 11 ou 12 ans, que le traitement commence si le choix de faire la transition demeure. »
 
Pour les plus jeunes enfants, les étapes réversibles incluent le changement de nom, le fait de porter des vêtements différents pour aller à l’école, ou simplement se présenter comme étant de sexe opposé. « Nous ne forcerons jamais un enfant à aller à l’école en adoptant un rôle de genre ou un autre; c’est le choix de l’enfant et le choix de la famille, précise le DGhosh. Et jamais je ne ferai de recommandations à un enfant prépubère sans qu’il bénéficie de la supervision et du soutien d’un adulte et sans qu’une personne soit à ses côtés tout au long du processus »
 
Si l’enfant bénéficie de soutien pour traverser ces premières étapes, l’étape suivante consiste à parler de la prise de bloqueurs hormonaux à la puberté. Ceux-ci offrent à l’enfant la chance de ne pas vivre sa puberté immédiatement, et de ne pas voir son corps changer d’une façon qu’il ne souhaite pas. Ça permet aussi à l’enfant de se demander « est-ce bien ce vers quoi je veux aller? » et de prendre un temps de réflexion avant d’aller plus loin dans sa démarche.
 
L’étape suivante est le début de la prise d’hormones pour induire les caractéristiques physiques du sexe opposé. Enfin, l’étape finale est la chirurgie; cependant, plusieurs personnes qui ont des troubles d’identité de genre choisissent de ne pas subir de chirurgie, puisqu’elle ne donne pas toujours le résultat souhaité. Cette décision peut être difficile à comprendre pour des familles.
 
Le DGhosh raconte : « Le père d’une de mes patientes, aujourd’hui âgée de 12 ans, est convaincu que puisque sa fille s’est engagée dans le processus pour changer de genre, elle subira une chirurgie de changement de sexe. Pour lui, c’est logique. La mère, elle, est modérément ouverte à l’idée que le point final du processus pourrait ne pas être une chirurgie complète de changement de sexe, si sa fille se trouve simplement bien comme elle est. Les professionnels comme moi tentent de plus en plus de travailler avec cette perspective et d’indiquer que la chirurgie n’est pas la seule solution pour vivre une vie épanouie. »
 
« Ces enfants et ces familles traversent beaucoup de moments très difficiles, et l’une des choses les plus difficiles est de s’assurer de faire la distinction entre identité de genre et orientation sexuelle. Avec les jeunes enfants, nous devons nous concentrer simplement sur le genre, précise le DGhosh. Au début, il faut s’assurer que tous comprennent que nous nous concentrons sur qui cet enfant pense être; savoir avec qui l’enfant aura éventuellement une relation ne compte pas à cette étape. »
 
Lorsque l’enfant arrive à l’adolescence, on aborde alors les questions de sexualité. Selon le DGhosh, pour ces enfants, il ne s’agit pas nécessairement de savoir s’ils sont attirés par un homme ou une femme, mais de découvrir qui ils sont, et quelles sont les qualités qu’ils apprécient chez l’autre et avec lesquelles ils se sentent à l’aise.
 
« Je pense qu’ils se voient en relation avec une personne qui les aime pour eux, pour ce qu’ils sont, et non parce qu’ils sont garçons ou filles. C’est une perspective très réfléchie, mais qui n’est pas très acceptée selon les modèles nord-américains qui caractérisent le sexe, l’identité de genre et les rôles », ajoute le DGhosh, qui précise que les transgenres se retrouvent souvent entre eux à cause de cette perception répandue. « Viendra peut-être un jour où les personnes aux prises avec un problème d’identité de genre n’auront tout simplement plus de problème; elles seront acceptées telles qu’elles sont, peu importe dans quelle peau elles sont nées. »