Antibiotiques durant le travail prématuré : possiblement nocifs pour le bébé

Une nouvelle étude sème le doute sur la pratique des médecins d’administrer des antibiotiques à des femmes en santé lors du travail prématuré, une pratique courante pour retarder les accouchements prématurés.

Des chercheurs affirment qu’une femme en travail prématuré qui ne montre aucun signe d’infection et qui n’a pas perdu ses eaux ne devrait pas recevoir d’antibiotiques parce que cela pourrait nuire au bébé.

L’étude démontre que les femmes qui n’ont aucun signe évident d’infection, mais qui reçoivent de l’érythromycine ou du co-amoxiclav pendant le travail prématuré courent plus de risques d’avoir un bébé souffrant d’une déficience de la fonction cérébrale ou de paralysie cérébrale.

Une déficience de la fonction cérébrale peut se manifester par différents symptômes comme une mauvaise vision ou élocution, ou des difficultés à marcher, à résoudre des problèmes et à accomplir ses activités quotidiennes.

La recherche a été dirigée par la docteure Sara Kenyon de l’Université de Leicester au R.-U.

Les résultats font partie de la Oracle Children's Study, étude publiée en deux articles dans la nouvelle édition électronique et dans un prochain numéro de The Lancet.

Une femme qui est en travail prématuré, mais qui n’a pas encore perdu ses eaux et qui n’a aucune infection apparente se voit souvent administrer des antibiotiques pour retarder ou éviter un accouchement prématuré et améliorer la santé du nouveau-né dans les premières semaines de vie.

Les résultats de cette étude remettent cette pratique en question.

« Les leçons à en tirer semblent claires; contrairement à l’idée reçue (« je peux bien en donner, ils ne sont pas nocifs »), les antibiotiques ne sont pas sans risque », écrivent le professeur Philip J. Steer, du Chelsea and Westminster Hospital à Londres, et docteure Alison Bedford Russell, de la Warwick Medical School, dans un éditorial connexe.

« Il y a de bonnes raisons pour éviter d’en donner lorsqu’il y a menace de travail prématuré, à moins qu’il y ait un signe probant d’infection. Il est crucial que cette pratique ne se répande pas par des moyens détournés si elle n’est pas justifiée, et les interventions lors d'une grossesse doivent toujours être évaluées avec la vision appropriée de suivi à long terme. »

Les études appelées Oracle I et II, qui se sont achevées en 2001, visaient à déterminer si de possibles infections chez des femmes en travail prématuré pouvaient être traitées avec succès avec les deux antibiotiques.

De futures mères ont reçu un placebo et de l’érythromycine, ou un placebo et du co-amoxiclav, ou les deux antibiotiques, ou un double placebo.

Les études Oracle Children Studies I et II ont été menées dans le but d’évaluer à l’âge de sept ans les enfants nés de ces femmes pour voir s’il y avait des effets sur la santé à long terme.

Dans la première étude (Study I), les chercheurs ont compilé des données sur des bébés nés de près de 3 200 femmes. Ils ont constaté que les enfants des femmes qui avaient reçu de l’érythromycine avaient 18 pour cent plus de risques d’avoir une déficience fonctionnelle par rapport aux bébés nés de mères qui n’avaient pas reçu d’érythromycine.

Le médicament co-amoxiclav n’a pas influencé la proportion d’enfants atteints d’une déficience fonctionnelle.

Les chercheurs ont aussi découvert que :
  • 3,3 pour cent des enfants nés de mères qui avaient pris de l’érythromycine (avec ou sans co-amoxiclav) souffraient de paralysie cérébrale comparativement à 1,7 pour cent pour les mères qui n’avaient pas pris ce médicament.
  • 3,2 pour cent des enfants nés de mères qui avaient pris du co-amoxiclav (avec ou sans érythromycine) souffraient de paralysie cérébrale comparativement à 1,9 pour cent des enfants nés de mères qui n’avaient pas pris ce médicament. 
  • 4,4 pour cent des enfants nés de mères qui avaient pris les deux antibiotiques souffraient de paralysie cérébrale, comparativement à seulement 1,6 pour cent des enfants nés de mères qui avaient reçu le double placebo.

Dans la deuxième étude (Study II), les chercheurs ont découvert que donner de l’érythromycine aux femmes qui ont perdu leurs eaux, mais qui n’ont aucun signe probant d’infection réduisait le risque de décès du nouveau-né.

Lorsque l’érythromycine était administrée à ce groupe de femmes, elle n’augmentait pas le risque que l’enfant souffre de déficience fonctionnelle, de paralysie cérébrale ou de troubles du comportement.

Ces constatations laissent croire que les antibiotiques doivent encore être considérés comme sûrs pour les femmes qui ont perdu leurs eaux et pour les femmes qui ont des signes clairs d’infection.