Après le cancer : un retour sur la pointe des pieds….

Grâce aux progrès de la médecine, aux avancées technologiques, au dépistage plus précoce, de plus en plus d’enfants et d’adolescents sont guéris du cancer. Mais que signifie le mot « guérison » quand la société actuelle continue d’associer le mot cancer à la mort et ainsi hypothèque la vie de tous ces survivants. Lorsque je parle de « sur-vivants », cela signifie pour moi « au-dessus des vivants ». Outre le fait d’être fière de ses patients et de tout ce qu’ils ont traversé avec courage et détermination, ces jeunes adultes devraient être considérés comme une richesse, un potentiel énorme pour notre société en quête éternelle de vraies valeurs ! Ils sont la preuve vivante que le cancer est une épreuve, une expérience de la vie, un défi et par la même un tremplin pour la vie, la vraie. Avec de nouvelles valeurs, de nouvelles croyances, des priorités et cette envie toujours plus grande de construire et de savourer la vie. Ils ont changé, ils ont grandi, quelque fois trop vite propulsés dans le monde des adultes. Ces survivants ont cette capacité merveilleuse et je dirais même retrouvée, de vivre l’instant présent et de trouver le bonheur dans chaque petit détail de la vie. N’est-ce pas le début de la sagesse ?

Alors y-a-il une vie après le cancer ? Définitivement oui. Mais les associations de patients, les familles dénoncent de plus en plus un parcours du combattant semé d’embûches. Ici, un face-à-face difficile avec un banquier ou un assureur. Là, un employeur qui rechigne à confier un poste à responsabilité ou tout simplement un retour au plein emploi. Sans parler des difficultés sociales, familiales et conjugales qui risquent de fragiliser un peu plus ceux qui se retrouvent montrer du doigt après avoir failli mourir. Le cancer reste tabou et isole, éloigne de soi-même et des autres. Il faut donc faire preuve d’une force et d’une volonté extraordinaire pour se retrouver et aussi retrouver sa place dans la société et ceci à tous les niveaux.

Certaines associations telles que « la fondation sur la pointe des pieds »font office de pionnier en la matière et ceci depuis plus de 10 ans, en permettant à des jeunes atteints du cancer de relever un défi. Quelque fois celui de leur vie, de « la vie » ! Cette expédition dans des contrées lointaines est aussi un voyage intérieur à la recherche de soi-même, une manière de se retrouver, de se réconcilier avec soi-même. Des liens se tissent entre les participants, habités de cette même rage de vivre, ce besoin presque viscéral de donner un vrai sens à leurs vies. Les peurs et les doutes ne sont là que pour être partagés et pour en rire assis au coin du feu. A travers ces expéditions, ils puisent la force de continuer et de s’ouvrir à une nouvelle vie. Ils savent que de l’autre côté de la montagne, ils ont encore de belles et grandes choses à vivre ! Grâce à Annick Dufresne, sa présidente et tous les bénévoles de la fondation qui travaillent sans relâche, ces jeunes adultes ont un avenir…

Alors encourageons ces initiatives, redonnons à ces jeunes la place qu’ils méritent dans notre société. Aidons les « rescapés » du cancer, qui sont aujourd’hui de plus en plus nombreux, en multipliant les initiatives. En France, la Ligue contre le Cancer a mis en place une plate-forme téléphonique d’accompagnement, d’information et de soutien dédié à l’assurabilité. Ce service national unique en son genre est anonyme et confidentiel et animé par des professionnels de la banque et de l’assurance. Et pourquoi pas des permanences juridiques offertes par des avocats bénévoles, pour faire face aux litiges ou aux démarches juridiques avec l’aide de cancérologues.

J’aimerais dire à tous ces « sur-vivants » qu’ils ont encore mille choses à nous apprendre et que nous avons encore beaucoup à leur donner. Longue vie à eux !

Dr Anne-Sophie Carret
Hématologue-Oncologue Pédiatre
Hôpital de Montréal pour Enfants
Centre Universitaire de santé McGill