Des spécialistes de l’autisme s’interrogent sur la fécondation in vitro

Le Dr Eric Fombonne de L’Hôpital de Montréal pour enfants explore les liens possibles avec l’autisme, mais la relation entre la maladie et la procréation assistée est loin d’être évidente 
 
La fécondation in vitro, maintenant offerte gratuitement aux couples infertiles du Québec, peut être un autre élément qui explique la hausse fulgurante des cas d’autisme, un mystérieux trouble neurologique qui affecte la connaissance, la communication et le comportement des enfants.
 
La majorité des enfants nés d’une fécondation in vitro (FIV) ne souffrent pas d’autisme, et la plupart des enfants autistes n’ont pas été conçus par FIV, précise Eric Fombonne, professeur de psychiatrie à l’Université McGill et directeur du service de pédopsychiatrie à L’Hôpital de Montréal pour enfants.
 
Mais, « l’histoire s’écrit au moment même où on se parle », explique le Dr Fombonne, qui a dirigé des études épidémiologiques sur l’autisme dans une demi-douzaine de pays et mené une recherche qui a fait date en montrant que les vaccins contenant du mercure n’étaient pas une cause de l’autisme.
 
Le Dr Fombonne faisait référence à des études présentées l’an dernier dans le cadre de l’International Meeting for Autism Research à Philadelphie, dont celle du Centre médical Assaf Harofeh d’Israël et une autre de l’École de santé publique de Harvard de Boston.
 
L’étude de l’équipe israélienne donne à croire que les enfants conçus par FIV sont trois fois plus susceptibles de souffrir d’une forme légère à modérée d’autisme.
 
Quant à l’équipe de Harvard, elle a découvert que l’autisme était près de deux fois plus fréquent chez les enfants des femmes qui avaient été traitées avec des médicaments inducteurs d’ovulation.
 
Tous les parents d’un enfant aux prises avec un trouble du spectre autistique posent la même question : « Quelles sont les causes? »
 
« Il se pourrait que nous ayons quelque chose ici », dit le Dr Fombonne au sujet des traitements contre l’infertilité. « Mais, cela s’appliquerait à une infime proportion de la population d’autistes. »
 
Le Dr Fombonne est présentement en congé sabbatique d’un an au prestigieux UC Davis MIND Institute de Californie. Il a participé au programme de formation en recherche sur l’autisme, dans le cadre de l’université d’été, qui visait à mobiliser les plus éminents chercheurs sur l’autisme de tout le Canada. Le programme d’une semaine, qui a eu lieu à l’Université McGill, a réuni 42 chercheurs de 14 universités œuvrant dans différents domaines, dont la génétique, l’imagerie cérébrale, la neurologie, l’éducation et la psychologie.
 
Au sujet des causes, la recherche en génétique a permis de faire des avancées importantes, selon le Dr Fombonne, et les scientifiques envisagent maintenant un ensemble de facteurs variés (comme les gènes, l’environnement ainsi que le milieu prénatal précoce) pour expliquer des taux aussi élevés qu’un enfant sur 110 présentant une forme de trouble autistique en Amérique du Nord.
 
Selon le Dr Fombonne, le débat qui porte maintenant sur les techniques de procréation veut que la manipulation du sperme et de l’ovule ne change (mute) pas vraiment l’ADN, mais qu'elle amène des changements dans le fonctionnement des gènes en atténuant ou en modifiant leur expression.
 
Cependant, la transmissibilité héréditaire joue probablement un rôle plus important dans l’autisme, et le lien avec la FIV est pour l’instant loin d’être clair, aux dires des spécialistes de la fertilité.
 
Selon une vaste étude internationale multisite menée par des chercheurs de l’UC Davis MIND Institute, le risque qu’un nouveau-né soit atteint d’autisme si un de ses aînés en est atteint, qui était auparavant évalué entre 3 et 10 %, est maintenant de 19 %.
 
« Chaque année, nous découvrons d’autres problèmes médicaux qui sont en lien avec la FIV… enfin peut-être. Il nous faut donc examiner les choses sans semer la panique », explique Hananel Holzer, directeur médical du Centre universitaire de santé McGill.

Il faut faire de nouvelles études pour tirer au clair les autres facteurs possibles, précise M. Holzer. Par exemple, l’âge de la mère est-il en cause? Les grossesses multiples? La caractéristique a-t-elle été transmise par quelqu’un qui normalement n’aurait pas pu concevoir? Ou la manière dont le sperme et l’ovule ont été manipulés lors des traitements de fécondation est-elle en cause?
 
« L’infertilité elle-même pourrait être un facteur de risque », ajoute M. Holzer.
 
L’étude idéale se ferait avec le même groupement de population, et comparerait des personnes qui ont eu une FIV à un groupe témoin de personnes qui ont connu des problèmes d’infertilité, mais qui ont fini par concevoir naturellement, explique-t-il.
 
« On n'a pas encore tranché la question », dit M. Holzer, ajoutant qu’une récente étude danoise, basée sur le registre national de santé, n’a révélé aucun risque accru de troubles autistiques chez les enfants nés par procréation assistée, mais a montré une légère augmentation du risque avec certains médicaments.
 
Il est bien entendu que certains enfants présenteront ce trouble, parce que de nombreux bébés, des millions en fait, naissent chaque année grâce à la FIV, ajoute-t-il.
 
« Ce n’est pas que j’essaie d’ignorer le risque, dit-il. Nous devons examiner tout cela en profondeur, et de manière responsable. »
 
« Le mandat du gouvernement du Québec en matière de FIV inclut le suivi des conséquences à long terme sur la santé des femmes et des enfants nés grâce à la procréation assistée », souligne M. Holzer.
 
« Nous voulons vraiment obtenir des réponses à ces questions, et pas seulement pour l’autisme », précise-t-il.
 
Carl Laskin, président de la Société canadienne de fertilité et d’andrologie et cofondateur d’une clinique de fertilité de Toronto, tient à dire que les cliniciens en fertilité prennent le lien entre la FIV et l’autisme « très au sérieux. Mais les chiffres sont peu élevés et la probabilité est faible, précise M. Laskin. Nous ne pouvons pas dire qu’il s’agit d’un risque réel sans procéder à d’autres études et recueillir d’autres données. » 
 
« À notre avis, cela ne devrait pas décourager un couple d’aller de l’avant. » 
 
Adapté d’un article de Charlie Fidelman, montrealgazette.com