Entrevue avec la Dre Theresa Valois, anesthésiste, au sujet du film Awake à CJAD

Awake exagère la fréquence de ce qu’on appelle la conscience peropératoire

Vous souvenez-vous comment vous avez hésité devant la mer après avoir vu le film Jaws? Et bien, fin novembre, est arrivé sur nos écrans un nouveau film qui risque de vous inquiéter inutilement si vous devez subir une chirurgie… Et d’entraîner une levée de boucliers chez les anesthésistes. Awake est un suspense psychologique sur un phénomène très très rare appelé « conscience peropératoire », un phénomène qui fait en sorte que l’anesthésie inopérante chez le patient le laisse totalement conscient, mais physiquement paralysé durant l’intervention. Selon le film, la conscience peropératoire serait un phénomène fréquent, alors qu’il ne se produit presque jamais dans la réalité. Dre Theresa Valois, anesthésiste pédiatrique à L’Hôpital de Montréal pour enfants du CUSM, rétablit les faits. 

Question : Le film Awake soutient à tort que la conscience peropératoire est un phénomène fréquent, alors qu’il ne survient que très rarement. Premièrement, qu’est-ce que la conscience peropératoire et à quelle fréquence se produit-elle en réalité?

Réponse : On définit la conscience peropératoire comme le souvenir postopératoire d’événements qui se sont produits durant l’anesthésie générale; en d’autres mots, le souvenir après coup de ce qui s’est passé durant la chirurgie. Des études menées auprès d’adultes ont montré que cela se produisait chez 0,0068 %1;2 à 0,1 % de la population; dans d’autres études, les chiffres étaient encore plus bas. En fait, sur 10 000 patients, 1 pourrait avoir des souvenirs. Chez les enfants, il semble que ce soit encore plus rare.

Q : Craignez-vous que ce film fasse suffisamment peur aux gens pour qu’ils renoncent à subir une chirurgie dont ils ont besoin?

R : Non; ce qui m’inquiète, c'est de troubler et d’effrayer inutilement certains patients, comme les adolescents.

Q : Existe-t-il une technologie qui peut vous faire savoir qu’un patient n’est pas totalement anesthésié avant une chirurgie?

R : Oui, mais il faut préciser que cette technologie a été validée principalement auprès d’adultes. Chez les enfants, elle n’est pas aussi fiable, et rien ne peut remplacer un membre de l’équipe d’anesthésie.

Q : Qu’est-ce qui se produit réellement lorsque vous anesthésiez un patient?

R : Nous administrons des médicaments, sous forme de gaz ou par voie intraveineuse, qui agissent sur différents organes, comme le cerveau, ce qui aide les patients à ne pas ressentir de douleur ou à ne pas de souvenir de l’intervention chirurgicale.

Q : Ce film provoquera sûrement des remous. Que conseillez-vous aux parents d’enfants qui doivent subir une chirurgie sous peu, ou à toute autre personne qui attend de se faire opérer?

R : De ne pas s’en faire avec ce phénomène, puisque, comme nous l’avons dit, la conscience peropératoire est très rare et l’anesthésie est aujourd’hui l’une des spécialités médicales les plus sûres. Et si vous avez des questions, quelles qu’elles soient, votre anesthésiste y répondra avec plaisir.

Q : Alors tout ça, c'est très hollywoodien?
 

Dre Teresa Valois est anesthésiste pédiatrique à L’Hôpital de Montréal pour enfants du CUSM. 

Références

1.  Pollard, R.J., Coyle, J.P., Gilbert, R.L., Beck, J.E. « Intraoperative awareness in a regional medical system: a review of 3 years' data » Anesthesiology, no 106, 2007, pp. 269-274

2.  Adams, A.M., Smith, A.F. « Risk perception and communication: recent developments and implications for anaesthesia » Anaesthesia, no 56, 2001, pp. 745-755

Rédigé par Lisa Dutton