Feriez-vous don de votre rein à un inconnu ?

Une généreuse donneuse sauve la vie d’une jeune fille de 12 ans soignée à l’Hôpital de Montréal pour enfants.

Le 18 mai 2021, Maryse Boivin a donné un rein à Valentina, une fillette de 12 ans qu’elle n’avait jamais rencontrée. C’est ainsi qu’elle lui a sauvé la vie.

Mme Boivin, 52 ans, minimise sa générosité en adressant plutôt les félicitations aux membres de l’équipe de transplantation et aux chirurgiens. « Je n’ai pas fait grand-chose. J’ai juste dormi durant la chirurgie. J’ai eu le travail le plus facile à faire. »

La résidente de Sherbrooke dit que depuis quelques années, l’idée de faire don d’un rein s’imposait à elle, mais aucun membre de sa famille ou de son cercle d’amis n’en avait besoin. Elle est allée jusqu’à appeler l’hôpital de son secteur pour savoir comment devenir un donneur de rein altruiste ou bon samaritain. « Je voulais vraiment aider quelqu’un, faire une bonne action. »

Elle le voulait, elle l’a fait !

Valentina est née avec une cystinose, une maladie génétique rare mais grave. L’adolescente n’avait pas l’enzyme nécessaire pour décomposer les cristaux de cystéine. Cette maladie provoque une accumulation anormale de cystéine dans le corps, notamment dans les reins, le cœur, le cerveau et les muscles. La maladie a tendance à progresser rapidement au début de l’adolescence, entraînant une insuffisance rénale et la nécessité d’une dialyse.

La plupart des enfants atteints de la maladie n’atteignent pas leur 30e anniversaire. Les reins sont généralement les premiers organes à être envahis et défaillants. La transplantation rénale est le meilleur traitement de la cystinose. Elle augmente la longévité des enfants atteints de la maladie et améliore considérablement leur qualité de vie.

Le premier choc

C'était en 2017, la santé de Valentina s’était détériorée et la famille a appris qu’une greffe de rein s’imposait de façon imminente.

« Nous avons essayé, autant que possible, de trouver un donneur d'organes vivant. C’est pourquoi nous avons encouragé la famille à passer le mot pour voir si peut-être un oncle, un cousin ou un autre membre de la famille était compatible », explique Angela Burns, infirmière en transplantation au Children. « Mais la famille de Valentina, des immigrants venus de Colombie, n'avait pas de famille immédiate ici. Alors le papa, Edwin Quintero, a alerté les réseaux sociaux sur l’état de santé précaire de sa fille.

C'est à ce moment que la famille a pris contact avec Mme Boivin, qui avait eu vent du cas de Valentina sur Facebook. Mme Boivin s’est proposée pour offrir à Valentina un rein en cas de nécessité.

Fort heureusement, la santé de Valentina s'est stabilisée. Mme Burns a annoncé que l'équipe de soins de santé avait décidé de reporter la greffe de rein à une date ultérieure.

Mme Boivin était soulagée mais, a-t-elle déclaré, « Je n'ai pas pu oublier cette petite fille. Je voulais être là pour elle quand elle aurait besoin de mon rein. » Elle craignait que quelque chose ne lui arrive avant de pouvoir faire ce don.

Au plus fort de la pandémie, la santé de Valentina a recommencé à décliner. L'équipe de transplantation du Children a contacté Mme Boivin, l'invitant à se faire tester pour confirmer qu'elle était parfaitement compatible avec la préadolescente.

Les tests ont été approfondis et ont duré plusieurs mois. « Nous voulions nous assurer que Mme Boivin était en bonne santé car nous ne voulions lui faire aucun mal de quelque façon que ce soit. Elle a subi une évaluation détaillée incluant une évaluation psychosociale », explique Jessica La Barbera, infirmière clinicienne et coordonnatrice des donneurs vivants à l'Hôpital Royal Victoria (Royal Victoria) du Centre universitaire de santé McGill.

« Nous établissons d'excellentes relations avec tous les donneurs vivants, et nous voulons nous assurer qu'ils ne ressentent aucune pression pour faire un don, c'est un cadeau et il n'y a aucun gain monétaire. Si, en cours de route, le donneur a des doutes, on s'arrête là, et c'est tout. Nous voulons que le donneur se sente libre de sa décision », déclare Mme La Barbera.
Le jour de l’intervention chirurgicale, Mme Boivin n'était pas du tout nerveuse. « J'étais très zen. J'étais tout à fait à l’aise avec ma décision », se souvient-elle. Les chirurgiens ont retiré le rein de Mme Boivin au Royal Victoria et l'ont emporté dans la salle à côté, au Children, où des chirurgiens pédiatriques l'ont transplanté à Valentina.

Faire boule de neige

Mme Boivin s'est remise de la chirurgie, retournant au travail et faisant du jogging dans les deux semaines. « C'était une reprise facile. Si je n'avais pas de cicatrice, je penserais que rien ne s'est passé. »
Elle espère qu'en partageant son histoire, d'autres personnes se proposeront pour donner un rein à un étranger. « Mon geste a surpris mes amis et ma famille, et j'ai certainement fait réfléchir les gens, ce qui est bien. J'encourage tout le monde à envisager de devenir un donneur vivant. Vous pouvez sauver une vie. »
Deux jours après la greffe, les parents de Valentina ont rencontré Mme Boivin avant qu'elle ne quitte l'hôpital. La mère de Valentina pouvait à peine prononcer un mot tellement elle pleurait. Au milieu des embrassades, le père de Valentina a souhaité la bienvenue dans sa famille à Mme Boivin en lui disant : « Vous êtes maintenant le troisième parent de Valentina, et elle est aussi votre fille. » 
Pour Valentina, la reprise a été difficile. « Il y a eu quelques hics, qui étaient tout à fait dans la norme bien que malencontreux », explique Mme Burns. Aujourd'hui, Valentina va mieux. La jeune fille calme et réfléchie ne se plaint jamais.