Jacquetta Trasler - Portrait

Par Denisse Campos

La carrière de la Dre Jacquetta Trasler n’a pas commencé dans un laboratoire, mais plutôt lors de son stage en gynécologie obstétrique à l’Hôpital Royal Victoria et à l’Hôpital juif de Montréal où certains des nouveau-nés souffraient d’anomalies. « Souvent à cette époque, nous ne pouvions pas identifier les causes. Aujourd’hui encore, les causes de 60 à 70 % des malformations dont souffrent les nouveau-nés, incluant les anomalies cardiaques, les anomalies du tube neural ou même les troubles de comportement et d’apprentissage, demeurent inconnues », explique-t-elle.


« J’ai bien vu qu’il y avait de nombreuses questions à résoudre dans le domaine de la recherche sur les causes des malformations congénitales chez les enfants. Si je voulais apporter ma contribution, je savais que je devais parfaire ma formation en recherche », raconte-t-elle. La Dre Trasler a donc enrichi son parcours de 8 années de formation spécialisée en recherche, incluant un doctorat à McGill et des études postdoctorales en génétique moléculaire à Boston. En fait, son parcours universitaire était idéal, ses antécédents en médecine l’aidant à étudier des maladies dont elle connaissait l’importance.

Depuis son retour à McGill et à L’Hôpital de Montréal pour enfants il y a près de 20 ans, la Dre Trasler a reçu certains des plus prestigieux prix dans son domaine de recherche, dont la bourse de scientifique des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et la bourse nationale de chercheur-boursier du Fonds de la recherche en santé du Québec (FRSQ). Elle est maintenant professeure James McGill. Bien qu’elle n’ait pas repris la pratique clinique, elle a mis ses connaissances médicales à contribution pour favoriser l’essor des cliniciens chercheurs et aider à bâtir des programmes de recherche dans l’environnement hospitalier. Son domaine de recherche continue à se développer.

Dans les années 1980, pour l’une de ses premières recherches, elle a étudié la toxicité des médicaments anticancéreux d’origine masculine sur le développement. À cette époque, on expliquait aux femmes enceintes que l’exposition aux médicaments et certaines conditions de travail pouvaient être néfastes pour leurs enfants. Mais, on ne savait pas vraiment si l’exposition des pères aux médicaments pouvait aussi causer des malformations congénitales. « Dans le cas des hommes exposés, nous devions prouver que même si les spermatozoïdes étaient mobiles, fertilisaient l’ovule et donnaient lieu à un embryon, ils pouvaient quand même provoquer des défauts génétiques ou épigénétiques causant des malformations congénitales. Les premières subventions ont été difficiles à obtenir », se rappelle-t-elle. En travaillant avec les Drs Bernard Robaire et Barbara Hales à l’Université McGill, elle a apporté la première preuve de concept tirée d’expérience sur des modèles animaux.

Au cours des 10 dernières années, on a recueilli suffisamment de données grâce aux études sur des animaux pour commencer des études auprès des humains. En l’occurrence, la Dre Trasler travaille maintenant avec des cliniciens du CUSM et l’équipe d’oncologie de L’HME sur de jeunes adolescents traités pour des leucémies ou des lymphomes. L’équipe compte conseiller les jeunes et leur offrir de mettre en banque du sperme et des tissus au cas où les traitements contre le cancer endommageraient leur sperme et entraîneraient des problèmes de fertilité plus tard. « C’est tout un défi, parce que nous abordons des questions de fertilité avec des adolescents qui ne sont pas encore préoccupés par la paternité! Cependant, cette importante recherche clinique nous aidera à déterminer quels types de traitement sont susceptibles de provoquer des problèmes dans le futur, et à mieux conseiller les jeunes survivants du cancer. »

Toutes ses études cherchent à comprendre les causes des malformations congénitales, que ce soit pour déterminer si les traitements contre l’infertilité à base de vitamines sont susceptibles d’entraîner des problèmes plus tard, s’ils auront un effet sur les bébés à naître ou si certains des produits chimiques présents dans l’environnement, comme les ignifugeants, peuvent influer sur les gènes de manière à causer le cancer ou des anomalies de croissance.

Ce qui étonne au sujet de la Dre Trasler, c’est qu’elle va toujours de l’avant, et aller de l’avant pour elle, ça veut dire « relever de nouveaux défis ». « J’ai eu une chance incroyable durant toute ma carrière de chercheuse de travailler avec d’excellents collègues et étudiants, et de recevoir de généreuses subventions des organismes subventionnaires provinciaux et fédéraux comme les IRSC et le FRSQ afin de mener mes recherches sur les causes des malformations congénitales », dit-elle. « Mon objectif maintenant, c’est d’aider la prochaine génération de jeunes chercheurs à réussir. Le domaine est très compétitif. Je souhaite bâtir une équipe forte et dynamique qui continuera à faire de l’excellente recherche en santé infantile. »

Portant le chapeau de directrice associée de la recherche pédiatrique à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill depuis 2007, elle est bien placée pour atteindre ses objectifs. Après 10 ans à la tête des programmes de médecine et de doctorat de McGill à former des chercheurs cliniciens, elle a maintenant la chance de guider ces gens alors qu’ils mettent sur pied leurs propres laboratoires de recherche.

Le rôle de la Dre Trasler en recherche pédiatrique lui donne aussi l’occasion de participer activement à la construction du nouvel Institut de recherche du CUSM au site Glen. Elle s’illumine lorsqu’elle parle des possibilités prodigieuses de ce nouveau centre de renommée internationale qui bénéficiera de la proximité des sites de soins pédiatriques et adultes, qui seront construits côte à côte, et d’installations cliniques et de recherche à la fine pointe de la technologie.

« J’ai la chance de réfléchir aux programmes, de planifier la recherche en santé infantile au sein de nouvelles installations intégrées qui nous permettront d’étudier la maladie sur toute la durée de vie », précise-t-elle. Elle est certaine que bientôt « nous pourrons nous pencher sur les enfants aux prises avec des maladies et comprendre ce qui les attend plus tard dans leur vie adulte. Nous espérons non seulement mieux comprendre les fondements génétiques de la maladie, mais également intervenir plus tôt pour éviter à ces enfants de développer certaines maladies plus tard. »