Le docteur Martin Bitzan en mission : le néphrologue de L’HME passe six semaines en Inde pour travailler

Par Lisa Dutton
Le jeune garçon souffrait d’insuffisance rénale aiguë. Selon les normes canadiennes, il aurait dû être traité par dialyse et avec des médicaments d’appoint, et si nécessaire, il aurait pu subir une greffe de rein. Toutefois, l’enfant dont il est question n’était pas soigné à L’Hôpital de Montréal pour enfants, mais plutôt au St-John’s Medical College Hospital de Bangalore en Inde. Il n’était pas question de dialyse, ni de transplantation rénale; en fait, il n’y avait plus aucun soin envisageable pour lui en raison du coût trop élevé des traitements. « Pour le bien de la famille, ses parents ont cessé les traitements et sont rentrés à la maison avec leur enfant », raconte le Dr Martin Bitzan, directeur de la division de néphrologie à L’HME. « Poursuivre le traitement aurait conduit la famille à la faillite, mettant en péril l’avenir des autres enfants », explique le Dr Bitzan qui estime que le garçon n’avait alors plus que trois ou quatre semaines à vivre.

Des décisions comme celle-là, le Dr Bitzan en a vu tous les jours durant son stage de six semaines au Medical College. Cet établissement à but non lucratif, tenu en haute estime, a été créé pour former des médecins et des infirmières destinés à soigner les personnes les plus démunies et les populations des régions rurales et éloignées. L’accès aux soins de santé que nous tenons pour acquis ici est un luxe réservé aux riches en Inde. « Imaginez des patients qui doivent acheter chaque dose de médicaments qui leur est administrée à l’hôpital. Le coût de certains médicaments est dix fois plus élevé que le revenu quotidien minimum d’un ouvrier non qualifié, de sorte qu’ils sont rarement administrés, précise le Dr Bitzan. Les patients n’ont pas de traitement de dialyse trois ou quatre fois par semaine comme au Canada; ils y ont plutôt droit de façon sporadique, quand la famille arrive à faire quelques économies. »

La collaboration entre la Division de néphrologie de L’HME et l’Hôpital de Bangalore a débuté il y a huit ans par un projet de recherche du Dr Paul Goodyer et du Dr Kishore Phadke. Leur partenariat a été prolongé grâce au programme « Renal Sister Centre » qui jumelle un centre de néphrologie « émergeant » à un centre de « soutien ». Ce programme encourage les facultés à échanger et partager l’expertise clinique, notamment par le biais de conférences régionales pour la formation médicale continue.

Pendant le séjour du Dr Bitzan, deux stagiaires en néphrologie le suivaient comme son ombre, profitant de sa présence pour lui poser des questions sur des problèmes de pédiatrie et de néphrologie, en plus de lui servir de guides locaux. Le Dr Bitzan a aussi participé aux cliniques et aux tournées de l’hôpital, notamment, dit-il, à une clinique de néphro-urologie interdisciplinaire hebdomadaire fort efficace.

« Il y a une énorme disparité par rapport aux patients que je soigne normalement », souligne le Dr Bitzan, expliquant qu’en Inde, les patients consultent souvent un médecin quand la maladie est déjà très avancée.
« Je n’ai pas l’habitude de voir des patients être admis (et mourir) en raison d’un syndrome néphrotique sévère (reins gravement endommagés), souvent compliqué par une pneumonie ou une péritonite. Ce qui m’a tout particulièrement impressionné, remarque le Dr Bitzan, c’est la capacité de l’équipe médicale à travailler et à se débrouiller avec des ressources limitées dans des lieux exigus et encombrés. Pour moi, tout ceci ce n’est que le début d’un long processus d’apprentissage. »