Nous n’avons pas à attendre : Quelques modestes changements pourraient réduire l’attente en santé et rendre le système de santé public de nouveau accessible à tous

Par Maurice McGregor

Trois fois bravo pour l’annonce du ministre de la Santé, Philipe Couillard, déclarant que la loi interdisant la surfacturation illégale en échange d’un accès rapide aux services de santé publics sera désormais appliquée avec fermeté.

Mais, notre soulagement ne doit pas nous empêcher d’être vigilants. Les raisons fondamentales qui ont mené à une surfacturation illégale sont bien sûr les longs délais d’attente pour bénéficier de nombreux services offerts par le système public.

Tant que les délais d’attente resteront excessifs, les gens continueront à chercher des moyens de contourner la file d’attente. Il faut donc que les services de santé soient de nouveau accessibles à tous, au moment opportun, et non des mois plus tard. Ce n’est pas seulement urgent, c’est aussi largement réalisable.

L’origine de la crise remonte aux compressions budgétaires du milieu des années 1990. Depuis, les pénuries d’installations, d’équipements et de fonds se sont largement résorbées, et les délais d’attente trop longs pour la chirurgie de la cataracte, la chirurgie cardiaque et la radiothérapie ont presque disparu.

Mais, la pénurie d’infirmières, de technologues médicaux et de médecins, un problème plus long à régler, limite la mise en place d’autres améliorations. Sans ces professionnels, l’ouverture de lits est impossible, les chirurgies sont limitées et l’équipement de diagnostic ne peut être utilisé à pleine capacité. Et même si le Québec forme plus de professionnels, cela demande du temps.

Cependant, nous n’avons pas besoin d’attendre que l’importante pénurie d’effectifs soit enrayée pour commencer à diminuer les délais d’attente.

Les délais d’attente sont principalement concentrés dans quelques hôpitaux de Montréal et de Québec. Pour voir une amélioration substantielle, il ne faut venir à bout que d’un nombre assez restreint de pénuries dans ces hôpitaux.

Qui plus est, même si les listes d’attente de ces hôpitaux sont d’une longueur imposante, leur gestion ne requiert pas beaucoup plus de personnel.

Imaginez un hôpital ayant la capacité d’effectuer un maximum de 100 examens d’un type précis par semaine, et supposez que la demande pour cet examen soit en moyenne de 101 par semaine. À la fin de la première année, la liste d’attente comportera 52 noms, puis 104 après deux ans. Bien qu’il ne faille qu’une brève et légère augmentation de l’activité pour traiter les patients en attente et vider la liste, une simple hausse de un pour cent de la capacité permettrait de mettre un frein à la résurgence de la liste d’attente.

Les effectifs nécessaires à ajouter ne sont donc pas si nombreux. Mais, que faire pour les trouver? Malheureusement, l’écart de revenu entre le Québec et le reste de l’Amérique du Nord, qui touche tous les travailleurs de la santé, demeure un obstacle au recrutement et à la rétention des effectifs médicaux. Pourtant, quelques interventions simples pourraient apporter un véritable soulagement.

La première serait de modifier légèrement une politique actuelle qui vise à augmenter le nombre de spécialistes travaillant à l’extérieur des grandes villes en rationalisant le nombre de ceux qui sont autorisés à travailler dans les hôpitaux urbains.
 
Une application rigoureuse de cette politique empêche effectivement les hôpitaux de répondre à la demande. Ainsi, un hôpital peut devoir fermer une salle d’opération faute d’être autorisé à recruter un anesthésiste, ou en exclure les patients souffrant de fractures parce qu’il ne peut recruter un chirurgien orthopédiste. Étonnamment, les hôpitaux des grands centres ne sont même pas autorisés à recruter des spécialistes au-delà du nombre autorisé à l’extérieur du Québec.

Pourtant, il suffirait de hausser modestement le nombre de spécialistes autorisés à pratiquer dans les hôpitaux ayant des délais d’attente excessifs, pour ensuite encourager et aider financièrement ces hôpitaux à recruter des effectifs médicaux à l’extérieur du Québec.

Le recrutement d’infirmières et de technologues de l’extérieur du Québec peut être facilité de trois façons.

Premièrement, jusqu’à ce que la crise soit résorbée, les organismes qui leur octroient leur permis devraient envisager l’émission de permis restrictifs. Cette pratique, utilisée pendant de nombreuses années pour les médecins formés à l’extérieur du Québec, permet à des gens de travailler sous supervision dans les hôpitaux d’enseignement.

Deuxièmement, le programme en vertu duquel des infirmières peuvent être recrutées en France avec le soutien financier du gouvernement devrait être étendu temporairement à tous les pays ayant un niveau d’enseignement comparable au nôtre.

Troisièmement, le recrutement pourrait être facilité en accordant une période de grâce aux infirmières et aux technologues pour passer les examens de langue, comme c’est le cas pour les médecins. D’éventuels candidats désireux de venir au Québec et d’apprendre le français peuvent trouver contraignant de ne pas pouvoir travailler avant d’avoir réussi leur examen de français.
 
Et si nous sommes vraiment sérieux dans notre volonté de résoudre la crise des temps d’attente, nous pourrions aussi leur offrir des cours de français gratuits et rémunérés. Personne ne remet en question l’importance de maîtriser le français, mais en situation de crise, il vaut sûrement mieux être soigné dans un français boiteux que de ne pas être soigné du tout.

Les mesures nécessaires pour préserver notre système de santé universel ne sont pas complexes, mais elles sont difficiles à mettre en œuvre, parce qu’elles exigent la collaboration de différentes autorités. Mais, est-ce vraiment trop demander? Les interminables délais d’attente ne sont pas inévitables. Ils ne devraient pas être tolérés, ni évalués ni gérés; ils devraient être éliminés.

Maurice McGregor est professeur émérite et ancien doyen de la faculté de médecine de l’Université McGill.

Adaptation d’un article de Maurice McGregor paru dans le journal The Gazette le lundi 9 juillet 2007.