Programme de santé du Nord de l’Hôpital de Montréal pour enfants

La Dre Aisling O’Gorman examine Samuel lors de son admission à l’HME en raison d’une infection respiratoire.

Le programme de santé du Nord de l’Hôpital de Montréal pour enfants (HME) rassemble une équipe qui travaille en étroite collaboration, même si parfois cela se fait de très loin. Le programme couvre le territoire du Réseau universitaire intégré de santé (RUIS) McGill qui inclut la région de Montréal ainsi que le Nord-du-Québec, le territoire Cri et le Nunavik.

Les premières initiatives qui devaient éventuellement donner naissance au programme de santé du Nord remontent au début des années 1960 quand des pédiatres de l’HME ont commencé à visiter l’Île de Baffin. « À cette époque, le programme ne servait pas le Nord-du-Québec, qui est aujourd’hui notre base », rapporte le Dr Gary Pekeles, qui était le directeur du programme jusqu’à tout récemment. Quand la Convention de la Baie-James et du Nord québécois a été signée en 1975, les communautés des Premières nations et des Inuits sont devenues responsables de la prestation des soins de santé chez elles, et elles ont créé leurs propres conseils de la santé. « Montréal est devenue l’endroit où aller pour toutes ces communautés », poursuit le Dr Pekeles.

Travailler avec plus d’une vingtaine de communautés

Dernièrement, la Dre Johanne Morel a été nommée directrice du programme. Au début de sa carrière, tout juste sortie de l’école de médecine, elle a accepté un poste à court terme à l’hôpital de Chisasibi sur le conseil d’un ami. Après quelques mois, elle a su qu’elle avait trouvé sa voie. 

Aujourd’hui, le programme de santé du Nord offre des consultations et des services à plus de 20 communautés inuites et des Premières nations. Les pédiatres du programme – Dre Morel, Dr Pekeles, Dre Margaret Berry, Dr Chi-Minh (Chip) Phi, Dre Aisling O’Gorman et Dr Kent Saylor — font une grande partie de leurs consultations à distance, mais chacun d’eux fait des visites en région et travaille avec les communautés 12 semaines par année. L’équipe compte aussi sur les services d’Hélène Caron, infirmière clinicienne, de Sue Gennerelli, secrétaire de direction, et de la Dre Josée Chouinard qui, bien qu’elle ne soit pas basée à l’HME, fait partie de l’équipe à temps partiel. 

L’an dernier, les pédiatres ont vu environ 2 300 patients dans leurs communautés, et le nombre d’admissions à l’HME a été stable, à environ 300. « Les communautés nordiques connaissent une croissance rapide avec un taux de natalité supérieur à la moyenne, ce qui fait que le nombre de patients que nous voyons augmente, explique le DPekeles. Toutefois, le fait que le taux d’admission demeure stable est signe que les efforts faits pour développer les capacités au sein même des communautés donnent des résultats. »

La Dre Morel et le Dr Pekeles expliquent qu’en plus de renforcer les connaissances et les capacités, l’un des objectifs stratégiques du programme est de bâtir des partenariats plus solides dans les communautés. « Le nombre de médecins, d’infirmières, de thérapeutes, de technologues de laboratoire et d’autres professionnels de la santé d’origine inuite et des Premières nations n’a pas beaucoup augmenté au fil du temps », souligne le DPekeles. C’est un aspect que le DKent Saylor s’efforce de changer. Le DSaylor est le cofondateur du programme des professionnels et étudiants autochtones en sciences de la santé de la Faculté de médecine de McGill, qui a pour but d’aider les étudiants des populations inuites, métisses et des Premières nations à s’inscrire dans les écoles de formation professionnelle en santé à McGill. Il est également responsable du programme de cours en santé autochtone, conçu pour donner à tous les étudiants en médecine une base pour comprendre les enjeux de santé des peuples autochtones. Le Dr Pekeles a aussi travaillé au développement d’un programme de formation à distance pour les infirmières praticiennes dans les collectivités du Nord afin de mieux les appuyer à long terme.

Continuité des soins de la maison à l’HME

Pour certains enfants, les traitements et les interventions dont ils ont besoin ne sont offerts qu’à l’HME. Étant donné les très grandes distances, l’équipe du programme de santé du Nord s’efforce de regrouper tous les rendez-vous dans une seule et même visite, et, si possible, trouve des façons de réduire le nombre de déplacements à Montréal en faisant des visites de suivi là où vivent les patients. À l’HME, c’est Hélène Caron qui voit à l’organisation des soins parfois complexes des enfants qui viennent à l’hôpital, et quand un spécialiste de l’HME se rend dans le Nord, elle travaille avec lui avant son déplacement pour s’assurer autant que possible que les tests diagnostiques sont faits à l’avance.

Samuel, âgé de six mois, a été traité à l’HME et dans sa communauté de Chisasibi. Quand Marlene, maman de Samuel, était enceinte, elle et son mari ont appris que Samuel était atteint d’un syndrome congénital appelé trisomie 18, qui affecte la vision, l’audition, le fonctionnement musculo-squelettique, le développement et la croissance. Samuel est né prématurément à 33 semaines de grossesse, et il a passé les premiers mois de sa vie à l’unité de soins intensifs néonatals de l’HME avant de rentrer à la maison. À la fin d’août, lors d’une visite à Montréal pour des tests et des rendez-vous de suivi, Samuel a contracté une infection des voies respiratoires et a été hospitalisé à l’HME. La Dre Aisling O’Gorman est la pédiatre de Samuel. « L’un des défis de Samuel était de prendre du poids, alors quand nous l’avons hospitalisé pour l’infection respiratoire, nous en avons profité pour essayer de comprendre et de régler ses problèmes d’alimentation pendant que nous avions à portée de main des spécialistes qui ne sont pas disponibles dans sa communauté », explique-t-elle.

La Dre O’Gorman est la dernière arrivée au sein du programme. « J’ai eu mon premier contact avec les collectivités du Nord en tant qu’étudiante pendant mon stage en médecine de famille à Puvirnituq. J’ai adoré cela, dit-elle. Ce n’est que plus tard, pendant ma résidence en pédiatrie, que j’ai fait la connaissance du DSaylor et découvert ce que les pédiatres du programme de santé du Nord faisaient pour leurs patients, qui sont si loin de la maison. »

Élargir la définition des soins pédiatriques

Développer les capacités au sein des communautés, ça se fait aussi à l’extérieur des hôpitaux et des cliniques. La Dre Morel fait partie d’une équipe qui a mis sur pied un centre de pédiatrie sociale à Whapmagoostui-Kuujjuarapik, la seule communauté mixte crie et inuite du Nord. « Il s’agit d’une initiative qui rassemble tous les intervenants autour de la table pour obtenir du changement, dit-elle. À ce jour, nous avons vu 30 enfants et leurs familles, qui souvent n’incluent pas juste les parents, mais aussi les grands-parents, les oncles et les tantes. C’est une approche de la pédiatrie qui encourage les membres de la famille à apprendre comment favoriser la santé et le bien-être de leur enfant. » Le projet est indépendant des conseils de santé et est financé par des fonds privés. « Ce type de programme nécessite que la communauté soit ouverte à l’idée, explique la Dre Morel. Et son succès s’explique en partie par le fait qu’il prend en considération les forces et les valeurs de la communauté. Jusqu’ici, nous avons pu observer des résultats clairement positifs. »

Mieux servir les communautés, ça peut aussi s’étendre à d’autres aspects sociaux et culturels, comme le montre la décision de la Dre Morel d’approcher l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) de Paris pour rendre disponible par vidéoconférence son cours d’inuktitut, langue en usage au Nunavik. L’Institut a accepté et le cours est maintenant offert par l’intermédiaire du service de télésanté dans les 14 communautés inuites. La Dre Morel est l’une des quelques personnes inscrites au cours au Québec. « Inalco a à cœur de protéger les langues dont la survie est menacée, alors nous avons été enchantés par sa décision de rendre le cours en inuktitut plus accessible », ajoute-t-elle.