Tendance à l'automutilation en hausse

MONTRÉAL, le 14 sept. 2012 /CNW Telbec/ - De plus en plus d'adolescents se tournent vers l'automutilation pour composer avec le tumulte intérieur qui les habite. Le DMartin Gauthier, psychiatre en chef à L'Hôpital de Montréal pour enfants (L'HME) du CUSM, indique que le nombre d'adolescents qui mutilent leur corps de manière délibérée et répétée en tailladant, coupant ou mordant leur chair augmente à un rythme alarmant.
 
Quand le psychiatre a commencé à pratiquer il y a 25 ans, il voyait rarement des adolescents qui se mutilaient délibérément. Et quand il en voyait, il s'agissait souvent de jeunes psychotiques, de déficients intellectuels ou d'autistes.
 
Des statistiques alarmantes
 
Aujourd'hui, environ la moitié des patients adolescents qu'il traite s'automutilent. « Dans la population clinique adolescente, c'est environ un patient sur deux. Dans la population en générale, un sur six est un chiffre conservateur; certains sondages indiquent que ça peut aller jusqu'à un sur trois », rapporte le DMartin Gauthier, qui donnera une conférence sur l'automutilation cet automne dans la cadre de la Mini-école de médecine à L'HME.
 
Les adolescentes qui s'automutilent sont plus susceptibles que les garçons de demander l'aide de professionnels, mais des études indiquent que l'automutilation est pratiquée également par les garçons et les filles de tous groupes raciaux et socioéconomiques. Les coupures faites avec une lame de rasoir, un couteau, des ciseaux ou un autre outil coupant représentent la forme la plus courante d'automutilation, mais les adolescents peuvent aussi recourir aux coups, aux pincements, aux brûlures, aux griffures et aux morsures. Ils se blessent généralement aux bras, aux jambes et à l'abdomen, et cachent souvent leurs cicatrices sous leurs vêtements.
 
« Il est important de distinguer les blessures infligées aux seins et aux organes génitaux des autres blessures. Ces cas sont plus graves, parce qu'ils impliquent une attaque directe au corps sexué », ajoute le DGauthier.
 
Les adolescents se mutilent pour se sentir mieux
 
Le DGauthier souligne que l'automutilation est rarement un symptôme de maladie mentale grave ou un mode de suicide. En fait, elle est souvent le fait d'un tumulte intérieur causé par des expériences douloureuses ou non résolues, comme une profonde angoisse ou un contrecoup émotionnel dû à l'intimidation, la violence sexuelle ou physique ou la cruauté mentale.
 
« La plupart des adolescents qui se mutilent le font parce qu'ils cherchent à se sentir mieux et qu'ils n'arrivent pas à gérer autrement la détresse qu'ils vivent. L'automutilation les aide à soulager la tension et à reprendre leurs activités normales. Quand ils se mutilent à répétition, ça devient de plus en plus mécanique et extrêmement addictif », explique-t-il.
 
Se couper est devenu tendance!
 
Le DGauthier prévient qu'un nombre de plus en plus grand d'adolescents expérimente l'automutilation pour imiter les célébrités et leurs pairs. Les forums d'automutilation sur le Web et les clubs de coupures à l'école sont devenus populaires.
 
« L'automutilation est un comportement très contagieux. C'est évident dans une unité de psychiatrie où il se transmet d'un patient à l'autre. Le même phénomène existe évidemment dans les écoles et dans notre société par l'exemple que donnent les vedettes, les acteurs, les musiciens et les autres adolescents. On l'observe aussi dans les prisons et les centres d'accueil. »
 
Le besoin impérieux de s'automutiler
 
Certains spécialistes émettent l'hypothèse que le besoin impérieux de s'automutiler peut être renforcé par la libération d'endorphines s'apparentant aux opiacés, entraînant un sentiment d'euphorie naturelle. Le DGauthier s'interroge aussi sur les liens entre l'automutilation et le développement émotionnel et sexuel de l'adolescent.
 
« L'adolescence est caractérisée par un nouveau rapport au corps au fur et à mesure qu'il se développe et qu'il expérimente les orgasmes. S'approprier son propre corps et les émotions qu'il génère est une tâche colossale. Quand ils n'arrivent pas à tolérer et à gérer certains sentiments intenses, les adolescents peuvent se sentir contraints d'attaquer leur propre corps au lieu de se tourner vers une activité sensuelle plaisante pour se calmer. Ça devient pour eux une façon de regagner la maîtrise sur certaines situations et sur un corps qu'ils ont l'impression de ne plus contrôler. »
 
Traitement
 
Les adolescents qui s'automutilent demandent rarement de l'aide, et il peut être difficile de casser le moule. Le DGauthier affirme qu'il est crucial qu'une évaluation complète soit faite, pas nécessairement par un pédopsychiatre, mais par un professionnel en santé mentale compétent. Ce professionnel sera en mesure de juger si l'intervention d'un psychiatre est nécessaire.
 
« Nous traitons rarement l'automutilation seule. Ce n'est qu'un aspect des problèmes de l'adolescent, et le traitement doit se faire dans une perspective globale. Quand une alliance thérapeutique est établie et que l'adolescent veut cesser de se mutiler, il devient possible de suggérer des solutions plus intégratives pour remplacer l'automutilation. »
 
Le DMartin Gauthier conclut comme suit : « L'automutilation nous confronte à une réalité humaine fort probablement liée à la conscience et à notre développement émotionnel. Les humains peuvent retourner leur violence contre eux. C'est un comportement complexe qui met en cause la relation avec soi-même et avec les autres. Ce mouvement contre soi vise paradoxalement une plus grande maîtrise de sa propre réalité. »
 
Le DMartin Gauthier prononcera une conférence sur l'adolescence et l'automutilation dans le cadre du volet francophone de la Mini-école de médecine à L'HME. Les inscriptions sont déjà en cours; notez que le nombre de places est limité. Le volet francophone de la mini-école commence le 10 octobre tandis que le volet anglophone prend son envol le 9 octobre. Le coût est de 65 $ pour les adultes et de 45 $ pour les personnes âgées et les étudiants. Les personnes intéressées peuvent s'inscrire en ligne à www.hopitalpourenfants.com ou obtenir de plus amples renseignements en appelant au 514-412-4307. 

Renseignements :
 
Si vous voulez réaliser une entrevue avec le Dr Gauthier, veuillez appeler :

Stephanie Tsirgiotis
Agent de Communication
Relations publiques et communications
L'Hôpital de Montréal pour enfants, CUSM
514-412-4307