Une carrière inattendue

Peu de coordonnateurs ou de techniciens en laboratoire peuvent se targuer de voir leurs noms dans des articles inédits publiés dans les meilleures revues scientifiques. Et il y en a encore moins qui voient, au niveau personnel, les résultats des essais et des expériences qu’ils ont menés. Le chemin qui a mené Rosemarie Grabs face à Karine et sa mère, Hélène, est exceptionnel. 

Le premier choix de carrière de Rosemarie ne s’est pas concrétisé. Mais par chance, la carrière qui l’a plus ou moins choisie s’est déroulée au sein d’un laboratoire de l’Hôpital de Montréal pour enfants qui a acquis ses lettres de noblesse dans le monde entier grâce à ses découvertes en recherche sur le diabète. Rosemarie a participé à l’essor du laboratoire de génétique endocrinienne du Dr Constantin Polychronakos dès le début de l’aventure, alors qu’elle en était la seule employée. Elle a vu les travaux du laboratoire passer de la recherche sur les protéines à l’analyse ADN et aux tests immunologiques. Elle voit maintenant la recherche qui ouvre de nouvelles perspectives sur la médecine individualisée grâce aux technologies du 21e siècle.

C’est une ouverture pour un poste de technicienne de recherche qui a conduit Rosemarie à l’Hôpital de Montréal pour enfants en 1980, mais elle ne pensait pas y faire long feu. Elle venait de terminer son baccalauréat en sciences et voulait se faire une idée de la recherche en travaillant au laboratoire d’endocrinologie de la Dre Eleanor Colle avant de faire une nouvelle demande en médecine vétérinaire.

Rosemarie n’avait pas vraiment idée du déroulement d’une journée en laboratoire, tout comme elle ignorait si elle avait une quelconque affinité pour la recherche. Et pourtant, au lieu de prendre le chemin de la médecine vétérinaire, Rosemarie a découvert un autre univers. « Le dynamisme – le plaisir – d’essayer de mener des recherches et de résoudre un problème m’a conquise, explique-t-elle. Et je suis encore là! » Quand la Dre Colle a pris sa retraite, Rosemarie a transporté ses 12 années d’expérience de recherche sur le diabète au laboratoire du Dr Polychronakos.

Ce qu’il y a de mieux pour guérir le diabète

Parmi les expériences que Rosemarie a menées, l’une a identifié une mutation génétique rare à l’origine du diabète de Karine, ce qui a permis à la jeune fille de passer des injections d’insuline à un traitement oral. Ardent défenseur de la médecine individualisée, le Dr Polychronakos s’intéressait au 1 % (environ un millier) d’enfants diabétiques au Canada qui pourraient prendre un comprimé au lieu de recevoir des injections, ce qui leur permettrait de produire leur propre insuline – « ce qu’il y a de mieux pour guérir leur diabète », comme il l’a dit.

Grâce à une subvention de la journée « Jeans for Genes » de la Fondation canadienne Gène Cure en 2005, le laboratoire a entrepris de revoir les échantillons d’ADN qui avaient été recueillis au fil des années auprès d’enfants atteints de diabète de type 1, pour voir s’ils avaient une mutation génétique qui leur permettraient de faire la transition. Il a fallu un an pour identifier le cas de Karine ainsi que deux autres patients.

Dans un hôpital de recherche, explique Rosemarie, les patients comme Karine profitent de tests diagnostiques qu’il ne serait pas rentable de faire de façon routinière en clinique. « Dans un monde idéal, nous ferions une vingtaine de tests pour chaque patient afin de déterminer la cause du diabète », précise-t-elle. La norme clinique est de trois tests, ce qui ne permet pas toujours de détecter le diabète de type 2 chez les jeunes patients ou des variantes rares du type 1.

Un lien sans précédent

Comment se sent-on quand on prend connaissance des progrès de Karine à long terme? « Ça fait beaucoup, beaucoup de bien », affirme Rosemarie. Le degré d’interaction que les techniciens en recherche ont généralement avec les sujets de leurs tests est « en théorie nul, note Rosemarie. Les échantillons me sont envoyés avec un numéro, c’est tout. » Pour les personnes qui travaillent avec des numéros assurant l’anonymat des sujets, c’est un cadeau rare que de voir la famille d’un patient venir dire à quel point le travail de laboratoire a eu un effet positif sur leur vie, comme l’a fait la famille de Karine.

Photo : Rosemarie Grabs, qui travaille au laboratoire du DPolychronakos à l’Institut de recherche, prépare une réaction de PCR dans un thermocycleur.