Une journée dans la vie de trois technologistes médicaux au laboratoire central du CUSM

Il y a de grandes chances que vous n’ayez jamais rencontré les technologistes médicaux Jessica Driscoll, Annie Malenfant et Rabii El Ouarari. « Nous travaillons vraiment dans les coulisses », dit Jessica. L’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill héberge le laboratoire central du CUSM, nommé en l’honneur de la Fondation Marcelle et Jean Coutu, où le trio travaille de concert pour identifier, confirmer et catégoriser les différents types de leucémie des patients pédiatriques et adultes.

Étape 1 : Revoir les résultats de tests anormaux

La leucémie infantile est le type de cancer le plus répandu chez les enfants et les adolescents. Elle affecte les globules blancs des enfants et peut être détectée par une série de tests et une analyse pointue. Le travail de Jessica Driscoll consiste à revoir les résultats de tests sanguins anormaux obtenus lors de l’hémogramme pour aider à repérer les possibles cas de leucémie.

Un hémogramme est une analyse de sang qui sert à évaluer la santé globale d’une personne et à détecter un vaste éventail de maladies, dont la leucémie. Jessica passe en revue le nombre de globules rouges et blancs des patients ainsi que leurs plaquettes et leur hémoglobine. « Je commence par regarder le diagramme de dispersion, qui différencie chaque globule blanc par type et grosseur, puis je confirme mes soupçons avec les résultats numériques », explique-t-elle.

Chaque jour, Jessica et ses collègues examinent 150 hémogrammes d’enfants. « Heureusement, dans la plupart des cas, les résultats révèlent des maladies ou affections non leucémiques », dit-elle. En plus d’aider les médecins à poser un diagnostic, Jessica examine les analyses sanguines des patients en oncologie qui subissent des traitements, comme une chimiothérapie, et des patients de l’unité de soins intensifs néonatals et de l’unité de soins intensifs pédiatriques qui luttent contre différentes maladies.

Quand on cherche des signes de leucémie, un nombre très élevé ou très bas de globules blancs ainsi que les faibles taux d’hémoglobine et de plaquettes font partie des signaux d’alarme. « Dès que je vois un signal d’alarme, je prends le téléphone pour parler au médecin qui a demandé l’hémogramme, dit-elle. C’est un appel difficile à faire, parce que je sais que je m’apprête à changer la vie de quelqu’un du tout au tout. »

Après avoir informé le médecin de ses découvertes, Jessica se précipite au laboratoire de morphologie, une lame de microscope à la main. « C’est à ce moment qu’Annie Malenfant entre en jeu, explique-t-elle. Elle regarde le frottis, et si elle voit des cellules suspectes, elle appelle l’hématologiste qui descend au laboratoire pour voir le tout de plus près et demander des analyses plus approfondies. Et bien entendu, plus nous pouvons faire vite, mieux c’est. »

Étape 2 : Analyser les cellules du patient

Annie Malenfant passe ses journées à regarder des cellules dans un microscope. Elle se spécialise en morphologie cellulaire, qui consiste à identifier les contours, la structure, la forme et la taille des cellules. « Je peux regarder une cellule et dire si elle est cancéreuse ou pas, dit-elle. Quand on prend connaissance de la numération globulaire d’une personne, c’est difficile de faire la distinction entre une infection et une leucémie, parce que dans les deux cas, le nombre de globules blancs du patient est anormal. Mais, je peux faire la différence en regardant les cellules. » 

Quand un patient combat une infection, son corps produit des lymphocytes, un type de globules blancs qui s’attaquent à l’infection, et quand un patient lutte contre la leucémie, sa moelle osseuse commence rapidement à produire des globules blancs anormaux. « Comme ces globules blancs sont produits très rapidement, ils ont tendance à avoir l’air très immatures, explique-t-elle. C’est là que je sais que ça peut être une leucémie. »

Les cellules immatures, aussi appelées cellules blastiques, ont tendance à avoir un noyau plus lisse, et leur surface est plus texturée. Leur couleur aussi est différente. « Les cellules qui combattent une infection ont généralement un cytoplasme bleu plus foncé, et elles sont réactives. Vous pouvez vraiment les voir réagir avec l’environnement qui les entoure », souligne Annie.

En un jour donné, Annie analyse de 40 à 60 lames d’échantillons sanguins, de moelle osseuse ou encore de liquides organiques et cérébraux. À l’occasion, elle doit aussi se rendre dans les unités de soins pour prélever des cellules lors d’une ponction de la moelle osseuse. « Pour obtenir des résultats de première qualité, je dois être présente pour préparer la lame sur-le-champ, au chevet de l’enfant, explique-t-elle. Au bout du compte, il y a un patient derrière chaque cellule, derrière chaque lame, alors nous faisons tout ce que nous pouvons, le plus vite possible, pour avoir un diagnostic. »

Diagnostiquer une leucémie chez de jeunes enfants, et en particulier chez les nouveau-nés, est particulièrement difficile. « Les bébés représentent les cas les plus difficiles à diagnostiquer, parce que toutes leurs cellules ont l’air de cellules immatures et jeunes. Chez un nouveau-né, c’est difficile de distinguer une cellule blastique d’une cellule normale. C’est pourquoi le travail de Rabii est si important. Il aide à circonscrire le type exact de leucémie, mais il peut aussi confirmer les cas difficiles à détecter au microscope. »

Étape 3 : Circonscrire le diagnostic

Rabii El Ouarari, autrefois enseignant au Maroc, a toujours aimé l’idée de travailler dans un laboratoire, et il a décidé de réaliser son rêve après s’être établi au Québec. Après ses études en technologie médicale, Rabii a commencé à travailler au CUSM et il s’est rapidement découvert un intérêt et des habiletés pour l’hématologie.   

Rabii se spécialise en cytométrie de flux, une technologie laser utilisée pour l’analyse des cellules. Elle permet à Rabii de faire le profil de plus de 100 000 cellules à la fois, et ce, rapidement et avec précision. « Je peux recueillir des données de milliers de cellules rapidement, parce que la cytométrie de flux me permet de voir plusieurs anticorps en même temps, dit-il. Ce processus peut mener au diagnostic, au pronostic et à la classification de différentes formes de leucémie. »

En réalité, Rabii peut détecter plus de 20 types différents de leucémie, ce qui permet aux médecins de traiter leurs patients au moyen des traitements spécifiques à leur type de cancer. « Il existe plusieurs types de leucémie qui ont tous des caractéristiques différentes, dit-il. Je suis en mesure de faire la distinction entre la leucémie lymphoïde et la leucémie myéloïde en examinant leurs caractéristiques cellulaires propres, notamment leurs antigènes [protéines] et leurs anticorps. »

Il peut faire cette distinction grâce à une technique appelée immunophénotypage. Avec cette technique, Rabii peut repérer les antigènes spécifiques présents seulement sur des cellules cancéreuses. « Les antigènes sont teintés par un marqueur fluorescent, et ce marqueur se lie uniquement à des antigènes précis, explique-t-il. Cela me permet de voir les cellules leucémiques, parce qu’elles ont une couleur différente des cellules normales. »

En 2016, le CUSM est devenu membre d’EuroFlow, un consortium de centres de recherche qui ont une expertise en cytométrie de flux et en immunophénotypage. « Nous sommes maintenant des leaders au Canada et nous travaillons selon les plus hautes normes, dit Rabii. Nous pouvons diagnostiquer différents sous-types de leucémie avec encore plus de précision qu’avant. Cela a totalement changé nos vies, et la vie de nos patients. »