Une journée dans la vie d’une… travailleuse sociale aux soins intensifs

Mars est le mois du travail social

Pour une jeune famille, l’arrivée d’un bébé est censée être le moment le plus heureux qui soit. Mais pour les parents d’un bébé extrêmement prématuré ou malade, l’excitation de ce moment est souvent éclipsée par une admission soudaine et inattendue à l’unité de soins intensifs néonatals (USIN). 

« Tout d’un coup, tout s’arrête pour la famille », explique Angela Heguy-Johnston, l’une des trois travailleuses sociales de l’unité qui apportent un soutien psychosocial crucial aux parents des nouveau-nés qui se retrouvent sans trop de préparation dans une situation bouleversante. « C’est mon rôle de donner du pouvoir à ces familles quand elles se sentent impuissantes. »

Aider les parents à trouver leur voie

Généralement, Angela commence sa journée avec les autres travailleuses sociales de l’unité pour se partager les patients, puis elle va se présenter aux parents. Contrairement à ses autres collègues des soins intensifs qui mettent toute leur énergie à traiter et prendre soin de ces fragiles nouveau-nés, Angela a pour seul rôle d’accompagner les parents et de leur fournir les outils dont ils ont besoin pour tenir le coup, tant sur le plan émotionnel que fonctionnel. « Ce couple ne savait pas qu’il allait aboutir ici, et il ne sait pas où ce périple va le mener, explique-t-elle. Ils ont rêvé du shower du bébé, ils ont préparé sa chambre, et puis ils se retrouvent ici. C’est vraiment un drame. »

Quand elle rencontre les familles pour la première fois, Angela essaie de se concentrer sur les démarches qui peuvent alléger le fardeau financier qui pèse sur elles en raison de la longue hospitalisation de leur enfant. Les aides peuvent venir de l’assurance-emploi, de congés parentaux ou d’autres programmes gouvernementaux auxquels elles pourraient avoir droit. Elles peuvent aussi prendre la forme de permis de stationnement, de tickets-repas, de cartes-cadeaux ou autres que l’on donne aux familles qui ont besoin de plus de soutien matériel. « Certaines de ces aides peuvent sembler minimes », dit Angela, mais toute parcelle d’aide est appréciée quand une famille est dans le besoin.

Soutenir les familles encore et toujours

Angela explique qu’au fil des jours et des semaines, les besoins des familles changent naturellement; ils passent du côté pratique au côté émotionnel en raison du pronostic ou des nouvelles parfois mauvaises que les familles reçoivent au sujet de la santé de leur enfant. « Au fur et à mesure que j’apprends à connaître les parents, mon rôle évolue pour en arriver à leur offrir un cadre rassurant où ils peuvent exprimer leurs sentiments, et où je peux leur suggérer des avenues pour mieux surmonter cette épreuve », explique-t-elle. Il n’est pas rare que des parents continuent à éprouver un sentiment de stress, d’isolement et de souffrance, même quand leur enfant va beaucoup mieux. « Parfois, si on voit qu’ils ne vont pas bien, on peut les diriger vers un médecin de famille, dit-elle. On peut aussi recommander un parent au psychologue de notre équipe. » L’objectif, c’est d’essayer d’aider un parent à donner un sens à ce qui vient de se passer, et à lui faire sentir qu’on se préoccupe de ses besoins tout comme ceux de son enfant.

Se préparer à la vie en dehors de l’hôpital

C’est un moment doux-amer que celui où une famille qui a passé tant de temps à l’hôpital se prépare enfin à rentrer à la maison raconte Angela. « Ces parents ont passé des semaines, voire des mois à l’unité, et cet endroit fait maintenant partie de leur vie, explique-t-elle. Alors, il arrive que le retour à la maison soit vécu d’une certaine façon comme une perte. »

Angela dit être très consciente du fait que les parents des bébés qui sont passés par l’USIN ne rentrent pas à la maison comme ils le feraient après une naissance normale, et qu’ils vont continuer à avoir besoin de soutien psychosocial pour s’adapter à la vie à l’extérieur de l’hôpital. « Ma relation avec les membres de la famille ne prend pas fin avec le congé, dit-elle. Je fais des suivis par téléphone pour m’assurer que leurs besoins sont satisfaits, en transférant le dossier à une travailleuse sociale du CLSC ou à une collègue s’ils continuent à être suivis en consultation externe. »

L’une des expériences les plus valorisantes, c’est quand les familles viennent à l’hôpital pour un suivi et décident de lui rendre visite plusieurs mois, ou même des années plus tard. « Voir une famille avec un enfant maintenant âgé de 2 ou 3 ans, et constater tout le chemin parcouru… c’est extraordinaire. » 

Destinée à faire partie de la famille de l’HME

Devenir travailleuse sociale à l’Hôpital de Montréal pour enfants (HME) est un rôle qu’Angela a préparé toute sa vie. Ayant grandi avec deux parents qui ont connu de longues carrières à l’HME et deux frères dont le parcours a aussi croisé l’établissement, Angela a toujours su qu’elle voulait faire partie de la grande famille de l’HME. Et elle a commencé à y travailler en juin 2015, après avoir obtenu son diplôme en travail social à McGill. Angela avait obtenu un DEC en loisirs auparavant, mais elle raconte que c’est un stage à l’unité de psychiatrie il y a quelques années qui a redéfini son plan de carrière. « J’ai réalisé que le travail social allait davantage dans la direction que je voulais emprunter, et heureusement, il n’était pas trop tard. »