Vivre sans hormones

 En raison de sa maladie rare, Léo, quatre ans, ne peut pas produire ses propres hormones

Chaque soir, avant que Mélissa Dupras et son conjoint Hans Doyon se couchent, ils vérifient qu’ils ont bien donné tous les médicaments à leur fils Léo.

« As-tu donné la Prednisolone et le Synthroid à Léo ce soir? », demande Hans.

« Oui, dit Mélissa. Et toi, as-tu fait l’injection? »

« Oui. »

Ce rituel de fin de soirée fait maintenant partie de leur routine, mais ça n’a pas toujours été le cas. Leur fils de quatre ans, Léo, est né avec une rare maladie congénitale appelée « panhypopituitarisme ». La maladie se définit comme une production insuffisante d’hormones par l’hypophyse.

Production des hormones : un processus réglé au quart de tour

L’hypophyse, aussi appelée glande pituitaire, a la taille d’un pois. Elle se situe derrière l’arête du nez et est reliée à la base du cerveau. C’est une partie importante du corps, parce qu’elle produit de nombreuses hormones en plus de stimuler d’autres glandes à produire leurs propres hormones. Il existe différentes variantes du panhypopituitarisme, mais dans le cas de Léo, il s’agit de la « triade classique ». La partie avant de la glande est peu volumineuse, la partie arrière n’est pas située au bon endroit et la tige qui relie l’hypophyse au cerveau est manquante.

« En raison de cette anomalie, le corps de Léo ne produit pas de cortisol, ni d’hormones de croissance ou d’hormones thyroïdiennes », explique la Dre Preetha Krishnamoorthy, l’une des endocrinologues pédiatres qui suivent Léo à l’Hôpital de Montréal pour enfants (HME). « Il nous faut donc fournir à son corps ce qui lui manque pour le garder en bonne santé. » Tous les jours, Léo reçoit une injection d’hormones de croissance synthétiques. « Jusqu’à aujourd’hui, il a probablement reçu plus de 1400 injections », rapporte sa mère Mélissa.

Devenir grand et costaud

Les hormones de croissance ne l’aident pas seulement à grandir, elles l’aident aussi à réguler sa glycémie (taux de glucose, ou sucre dans le sang). Quand il est né, sa glycémie était de 0,2. « N’importe quel résultat en bas de 3 est très faible, souligne la Dre Krishnamoorthy. C’est important de chercher les raisons d’une glycémie basse (aussi appelée hypoglycémie) chez les nouveau-nés, parce que c’est souvent lié à quelque chose de plus grave. » Le cerveau a besoin de sucre, et comme il s’agit d’un organe très avide d’énergie, plusieurs de ses fonctions, comme la mémoire et l’apprentissage, sont étroitement liées au taux de glucose. « C’est pour cela que des épisodes récurrents d’hypoglycémie peuvent affecter le développement neurologique », ajoute la Dre Krishnamoorthy.

Léo reçoit présentement une dose standard d’hormones de croissance, mais son état est réévalué tous les trois mois par le département d’endocrinologie de l’HME. « Nous regardons son poids et sa taille, puis nous décidons s’il faut ajuster son ordonnance, explique la Dre Krishnamoorthy. Les hormones de croissance synthétiques agissent comme des hormones de croissance normales. Ce qui veut dire que Léo pourrait très bien atteindre son plein potentiel de croissance. » Même une fois qu’il aura atteint sa taille adulte, il est possible que Léo continue à prendre des hormones de croissance synthétiques, parce qu’elles aident à stabiliser le métabolisme et les niveaux d’énergie.  

La production de cortisol est aussi essentielle, parce que ce composant permet de réguler le métabolisme de l’organisme, la tension artérielle et la réponse immunitaire. Il aide aussi le corps à faire face au stress. Quand un enfant tombe malade ou est gravement blessé, le corps réagit automatiquement en produisant plus de cortisol, mais ce n’est pas le cas chez Léo. « Quand Léo tombe malade, nous devons doubler son médicament de cortisol pour que son corps puisse combattre l’infection ou le virus, raconte Mélissa. Il a déjà été hospitalisé nombreuses fois, une fois pendant quatre jours parce qu’il avait une gastro et que son organisme n’était pas assez fort pour la combattre. Aujourd’hui, comme mesure préventive, nous le sortons de la garderie dès qu’un virus circule. »

Une nouvelle normalité

Vivant avec cette maladie depuis toujours, Léo est capable de nommer tous ses médicaments, il connaît l’importance de vérifier ses taux de sucre régulièrement, et il n’a pas de problème à dire le mot « panhypopituitarisme ». « Même moi j’ai encore du mal à le dire », dit sa mère en riant. Grâce à Facebook, Mélissa a réussi à entrer en contact avec d’autres mères d’enfants qui souffrent de la même maladie. « Incidemment, ce sont tous des garçons, et ils ont tous moins de cinq ans, souligne Mélissa. Même si nous ne nous sommes jamais rencontrées en personne, nous communiquons régulièrement et nous avons créé des liens forts. C’est bon de savoir que nous ne sommes pas seuls. »