Dove, une vraie survivante

Une adolescente victime de brûlures s’ouvre sur les défis physiques et mentaux qui ont suivi la tragédie

« Le 17 juin 2018, toute ma vie a changé », raconte Dove Jones-Pierre, 18 ans. Elle venait tout juste de faire des frites quand elle est montée finir son devoir de math. Quelques minutes plus tard, l’alarme incendie s’est déclenchée, et Dove s’est précipitée en bas pour découvrir tout l’étage envahi de fumée noire. « Je me suis aussitôt précipitée dans la cuisine, parce que j’avais oublié d’éteindre la cuisinière », dit-elle. La casserole d’huile bouillante avait pris feu et les flammes atteignaient presque le plafond.

De mal en pis

Dove a essayé de mettre le couvercle sur la casserole pour couper l’oxygène, mais ça n’a pas fonctionné; elle a couru prendre l’extincteur, sans plus de succès. « Je n’arrêtais pas de me dire que je ne voulais pas que ma maison brûle », raconte-t-elle. Elle a alors attrapé la casserole d’huile bouillante et a couru vers la porte d’entrée pour la jeter dehors, mais elle a trébuché sur le seuil et s’est renversé toute l’huile sur le corps. « J’étais tellement sur l’adrénaline et sous le choc, que je n’ai pas réalisé ce qui venait d’arriver. Puis, j’ai vu le visage de ma mère », dit-elle.

En attendant l’ambulance, elle a perdu la vue temporairement, mais l’a retrouvée sur le chemin de l’hôpital. « Les ambulanciers m’ont expliqué que j’étais en état de choc et que mon corps essayait de se mettre en pause. Même si je souffrais énormément, je n’avais qu’une chose en tête, finir mon devoir de math », ajoute-t-elle. Elle a été conduite à l’Hôpital de Montréal pour enfants (HME), où une équipe de médecins et d’infirmières en traumatologie l’attendait. Ils ont appliqué des compresses froides sur ses brûlures, désinfecté ses plaies, puis bandé ses membres et son abdomen. Elle avait tout un éventail de brûlures aux premier, deuxième et troisième degrés, et les parties de son corps les plus touchées étaient ses jambes et son poignet droit. « Ma peau ressemblait à du charbon », se rappelle-t-elle.

Une longue route vers la guérison

Dove a passé le mois suivant à l’hôpital, à subir différents traitements. « J’ai eu des douleurs atroces pendant environ deux mois, puis c’est devenu plus supportable », dit-elle. La Dre Sabrina Cugno, chirurgienne plasticienne à l’HME, a fait une greffe de peau à Dove. Elle a pris de la peau sur ses cuisses pour la greffer sur son poignet droit et sur une partie de ses jambes et de ses pieds.

Dove a aussi travaillé régulièrement avec une physiothérapeute et une ergothérapeute qui l’ont aidée à réapprendre à marcher et à écrire. « Dove avait une brûlure sur le dessus de la main droite, et on voulait s’assurer qu’elle conserve la mobilité de ses doigts. Souvent quand les cicatrices guérissent, elles ont tendance à se contracter, ce qui limite la mobilité », explique Line Parent, ergothérapeute rattachée à l’équipe de traumatologie de l’HME. « Nous avons travaillé sur différents exercices pour l’aider à retrouver son amplitude, sa force et ses capacités fonctionnelles, et nous avons suggéré différentes techniques pour soigner les cicatrices, comme le massage des cicatrices hypertrophiques. »

Dove est contente que la cicatrice sur son visage guérisse bien, mais elle a encore d’importantes cicatrices sur le reste du corps. Pour protéger sa peau et réduire les cicatrices épaisses et durcies, elle a commencé à porter des vêtements de compression. « Les vêtements compressifs peuvent aider à prévenir et réduire les cicatrices hypertrophiques, et ainsi améliorer leur apparence », explique Line. Dove porte maintenant des pantalons compressifs à taille haute en raison des brûlures sur son abdomen et ses jambes, et des vêtements compressifs pour protéger son bras droit, sa main droite et ses pieds.

Sur certains endroits plus gravement touchés, comme son poignet droit, elle porte aussi un pansement à gel de silicone sous son vêtement de compression. Le gel de silicone est utilisé pour ramollir et hydrater les cicatrices de brûlure, et pour y mettre un peu plus de pression. Dove doit aussi masser ses cicatrices hypertrophiques deux fois par jour avec une crème à la vitamine E.

Surmonter le traumatisme

Avant d’obtenir son congé de l’hôpital, Dove a commencé à être extrêmement anxieuse à l’idée de rentrer à la maison. Elle n’arrêtait pas de repasser l’événement en boucle dans sa tête. Elle faisait des cauchemars sur l’incendie et se réveillait en hurlant. Sa mère, Indra, a déplacé des meubles pour changer le décor, et elle a aussi repeint sa chambre. Elle a même acheté une nouvelle cuisinière et s’est débarrassée de toutes les grosses casseroles. « Je montrais clairement des signes de stress post-traumatique », explique Dove.  

C’est à ce moment qu’elle a commencé à voir la pédopsychiatre, la Dre Maria Sufrategui, membre de l’équipe de neurotraumatologie de l’HME. « Dans ce genre de cas, une prise en charge rapide est primordiale, parce qu’il faut intervenir avant que les problèmes deviennent chroniques, explique la Dre Sufrategui. C’est important d’offrir aux patients un environnement sûr pour qu’ils se sentent à l’aise d’exprimer leurs émotions, leurs craintes et leurs pensées irrationnelles ou tragiques. » La Dre Sufrategui a aidé Dove à mettre les choses en perspective, et elle lui a appris des techniques de relaxation et de respiration pour l’aider à gérer son anxiété. « C’est important d’affronter toutes ces émotions plutôt que de les esquiver. »

Elle a aussi aidé Dove à comprendre que même si l’incendie a été un événement malheureux dans sa vie, il ne la définit pas comme personne. « Après l’accident, je me sentais très différente et coupée de mes amis, et j’ai eu plus de difficultés à l’école, poursuit-elle. La Dre Sufrategui m’a montré comment renouer avec les gens et reprendre ma vie en main. Cette expérience a été la chose la plus difficile que j’aie vécue, mais en toute honnêteté, elle a contribué à créer une meilleure version de moi. »

Partager son expérience

Dove se dévoue maintenant en apprenant aux plus jeunes élèves du secondaire comment prévenir les incendies, et elle s’occupe de son projet de fin d’études qui porte sur ce sujet. Elle s’est aussi associée à une caserne de pompiers pour aider à faire passer ce message si important dans sa ville natale, LaSalle. « Je pense que mon histoire peut sensibiliser les gens et les inciter à prendre les risques d’incendie au sérieux, dit-elle. J’espère que mon message pourra un jour aider à sauver une vie. »