Gérer une maladie invisible

Le 19 juin marque la journée internationale de l’anémie falciforme

Oumou Ly, 16 ans, adore performer ! Que ce soit en chant, en danse ou en théâtre, cette adolescente active prend plaisir à repousser les limites de l’expression créative. Mais quand vient le temps de prendre soin de son anémie falciforme, Oumou sait quand elle peut pousser la machine et quand elle doit ralentir. « Je connais mes limites et je sais quand je les ai atteintes, dit-elle. Avoir l’anémie falciforme ne m’empêche pas vraiment de faire ce que je veux, mais je dois en tenir compte. »

Le secret est dans les globules rouges

L’anémie falciforme, aussi appelée drépanocytose, est une maladie du sang héréditaire qui affecte l’hémoglobine, une protéine qui se trouve dans les globules rouges. « Chez les personnes en santé, les globules rouges sont ronds et souples, mais chez les personnes atteintes d’anémie falciforme, ces cellules ont une forme irrégulière pouvant causer toute une panoplie de problèmes de santé qui peuvent être graves s’ils ne sont pas bien pris en charge », explique Marie Gale, l’infirmière d’Oumou à la Clinique de drépanocytose de l’Hôpital de Montréal pour enfants.

Plus précisément, les globules rouges des patients atteints d’anémie falciforme peuvent rester coincés dans de petits vaisseaux sanguins et créer un blocage, ce qui peut nuire à la circulation sanguine et au transport d’oxygène vers les différents organes du corps. Les patients atteints de cette maladie risquent de souffrir de complications parce que leur sang ne circule pas aussi bien qu’il le devrait partout dans l’organisme. « La rate, qui agit normalement comme un système de défense contre l’infection, ne fonctionne pas bien chez les patients atteints d’anémie falciforme. C’est pourquoi ces patients courent plus de risques de tomber malades ; il est donc très important que nous les suivions dès leur plus jeune âge pour minimiser les complications possibles, explique Marie. La douleur est un symptôme très commun de l’anémie falciforme, et l’un de ceux que les gens associent le plus à cette maladie. » 

Un centre d’excellence

L’Hôpital de Montréal pour enfants est l’un des quatre centres de soins au Québec mandatés pour soigner les patients nés avec l’anémie falciforme ; sa clinique suit plus 140 jeunes patients. « Au cours des premières années, la clinique a connu une croissance sporadique, les patients étant diagnostiqués plus tard dans leur vie, souvent après 6 mois et même plus », explique Marie. Mais depuis l’ajout du test de dépistage de l’anémie falciforme au programme de dépistage des nouveau-nés du Québec en 2013, les nourrissons qui en sont atteints sont repérés immédiatement à la naissance, ce qui explique que la clinique ait connu une croissance constante depuis quelques années. Marie précise que les avantages sont considérables pour les patients. « Nous pouvons commencer à renseigner tout de suite la famille sur l’anémie falciforme, avant même que l’enfant ait connu des problèmes liés à sa maladie », dit-elle, ajoutant qu’il est possible de prévenir certaines complications. « Comme nous savons que nos jeunes patients sont plus sujets aux infections, nous pouvons les traiter avec des antibiotiques jusqu’à l’âge de 5 ou 6 ans pour réduire les risques d’infections graves. »

S’occuper soi-même de sa maladie chronique

« J’avais 6 mois quand on m’a diagnostiqué une anémie falciforme, raconte Oumou. Quand j’explique à mes amis de quoi il s’agit, je dis juste que j’ai moins de moyens de défense contre les infections et que j’ai parfois mal. »

Bien qu’elle reconnaisse avoir quelques épisodes de douleur causés par des maux de tête, des maux d’estomac ou de la fatigue, Oumou affirme qu’il est plus facile de gérer sa maladie grâce aux médicaments qu’elle prend tous les jours. Oumou prend de l’acide folique, de la vitamine D ainsi qu’un médicament délivré sous ordonnance appelé « Hydrea ». « En plus d’être utilisé pour traiter le cancer, Hydrea a des effets bénéfiques pour les patients atteints d’anémie falciforme en diminuant le nombre et la gravité des épisodes de douleur aiguë quand on le prend régulièrement », explique Marie, qui assure que plusieurs des patients soignés à l’HME obtiennent de bons résultats avec ce traitement.

En plus de s’occuper elle-même de ses médicaments, Oumou doit aussi faire attention à certaines activités, comme la baignade. « Se baigner dans l’eau froide, tout comme être exposé longtemps à des températures froides, peut précipiter les épisodes de douleur et être problématique pour certains patients atteints d’anémie falciforme, souligne Marie. En vieillissant, les patients comme Oumou savent quelles activités leur sont bénéfiques et lesquelles peuvent leur nuire. Nous encourageons les patients adolescents à être plus autonomes pour gérer leur maladie, et Oumou est un formidable exemple de réussite sur ce plan. »

Tout en s’occupant elle-même de sa maladie, Oumou donne également des conseils à sa petite sœur de 8 ans, elle aussi atteinte de la maladie. « Ma sœur et moi allons ensemble à nos rendez-vous, nous faisons nos analyses de sang en même temps, et nous passons du temps ensemble dans la salle d’attente. Marie avait l’habitude de mettre des marionnettes sur mes doigts après mes prises de sang, mais elle n’a plus besoin de le faire ! », dit-elle en riant.

Quand c’est le temps de s’amuser, Oumou adore prendre des leçons de hip-hop, chanter et mettre ses talents en valeur sur des scènes de toutes sortes. Oumou a d’ailleurs participé à un spectacle de danse ce printemps et elle assure qu’elle restera active et continuera à danser avec ses amies. Et à l’approche de la fin des classes, Oumou a un été bien rempli devant elle, avec notamment un formidable voyage d’un mois à Paris en famille. « Je n’en peux plus d’attendre ! Ça va être génial ! »