Démystifier les allergies et les réactions immunes

Chasse à l’inconnu au département d’allergie et d’immunologie de L’HME
 
Trouver la cause d’une allergie n’est pas toujours chose facile. À l’image d’un astucieux criminel, le déclencheur de l’allergie peut se tapir derrière des symptômes non spécifiques et ainsi masquer les indices et compliquer le verdict final. Prenons l’exemple de Sean. Sean est patient à L’Hôpital de Montréal pour enfants (L’HME) du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) depuis qu’il a 5 ans. À sa première visite à l’urgence, il présentait des symptômes d’asthme, mais c’est plutôt un diagnostic de grave rhume des foins causé par une allergie à l’herbe à poux qui a été posé. Durant des années, son problème a été traité et contrôlé avec succès. Mais dernièrement, Sean est revenu à la clinique aux prises cette fois avec une allergie alimentaire que sa maman attribuait au melon d’eau.
 
« La mère de Sean s’inquiétait de voir son fils développer de nouvelles allergies », rapporte le Dr Bruce Mazer, chef du département d’allergie et d’immunologie. « Toutefois, ce qu’ignoraient Sean et sa mère, c’est que le melon d’eau est un proche cousin de l’herbe à poux, le déclencheur de son rhume des foins. Sean n’avait donc rien de grave, juste une allergie fréquente pour qui souffre du rhume des foins; c’est ce que l’on appelle le syndrome d’allergie orale. »
 
De l’allergie respiratoire à allergie alimentaire : le coupable identifié
 
Environ 30 p. 100 des victimes du rhume des foins développent un syndrome d’allergie orale. Les symptômes apparaissent en raison d’une réactivité croisée entre le déclencheur du rhume des foins et celui qui active la réponse à l’allergie alimentaire, dans ce cas-ci une protéine similaire présente dans le melon d’eau. Contrairement aux allergies alimentaires plus graves, les symptômes sont généralement localisés, concentrés sur la bouche, la langue et la gorge.
 
« Nous avons réexaminé Sean, son rhume des foins, et nous avons constaté qu’il était encore très allergique à l’herbe à poux, mais très peu au melon d’eau. Un soulagement pour sa mère qui n’aura pas à composer avec une panoplie de nouvelles allergies alimentaires », précise le Dr Mazer.  
 
Approche holistique
 
Offrir une approche holistique et un continuum de soins est ce que le département d’allergie et d’immunologie de L’HME fait de mieux. L’équipe, qui compte douze membres, incluant médecins, infirmières, inhalothérapeutes et réceptionnistes, soigne plus de 6000 patients par année, de la naissance au début de l’âge adulte. En fait, il s’agit de l’un des plus importants centres spécialisés en allergie et immunologie au Canada. Chaque semaine, on y tient plus de neuf cliniques et on pose des diagnostics de toutes sortes allant des allergies alimentaires les plus courantes aux immunodéficiences les plus complexes.
 
« Nous avons six pédiatres allergologues qui travaillent au bureau à plein temps et quatre autres en pratique communautaire qui se joignent à nous pour au moins une clinique par semaine. Leur présence nous permet de bénéficier d’une très vaste expérience, ce qui est excellent pour nos patients, mais aussi pour les étudiants qui profitent d’un environnement d’enseignement de premier plan », rapporte le Dr Mazer.
 
Allergies, les coupables habituels
 
À l’heure actuelle, le diagnostic d’allergie alimentaire est celui que l’on pose le plus souvent au département, une tendance qui a évolué depuis les 20 dernières années, selon le Dr Mazer. « Auparavant, nous recevions davantage de patients aux prises avec des allergies respiratoires et de l’asthme, tandis que maintenant, les allergies alimentaires sont devenues le sujet de préoccupation par excellence des parents et des médecins, et cela se reflète dans notre pratique. Et il semble que ce phénomène s’observe dans l’ensemble des pays développés. »
 
Bien que l’on puisse imputer une partie de cette recrudescence à une meilleure sensibilisation et à une vigilance accrue des parents, il est clair que certaines allergies alimentaires sont en hausse dans la population générale. « Des études menées par nos collègues chercheurs du CUSM montrent que les allergies aux arachides sont en hausse chez les enfants d’âge scolaire. Les prochaines étapes consistent à trouver les raisons de cette hausse et à répondre aux besoins de cette population de patients qui ne cesse de croître », souligne le Dr Mazer.
 
L’équipe se spécialise également dans le diagnostic et le traitement d’allergies moins courantes, comme les allergies aux insectes piqueurs, aux médicaments et aux vaccins.
 
« Nous recevons beaucoup de patients envoyés par des allergologues de la communauté qui n’offrent pas d’évaluation spécialisée », explique Maria Harvey, infirmière coordonnatrice à L’HME et spécialiste des allergies. « Nous sommes l’un des plus importants centres au Québec à offrir ce service de soins pédiatriques. »
 
« Entre 15 et 20 p. 100 des Nord-Américains souffrent d’une allergie, ajoute le Dr Mazer, ce qui explique que nous soyons extrêmement occupés. »
 
Immunodéficience, les délinquants rares
 
L’équipe a aussi un intérêt fort marqué pour le traitement des enfants aux prises avec une immunodéficience, y compris les enfants qui ne produisent pas d’anticorps et ceux qui ont des problèmes spécifiques à générer une réponse immunitaire. « Les immunodéficiences sont nettement moins courantes, mais elles sont très invalidantes », précise le Dr Mazer.
 
Heureusement, une fois le diagnostic posé, plusieurs de ces enfants peuvent bénéficier d’une bonne qualité de vie grâce à des soins à domicile ou à l’hôpital. Mark est l’un de ces patients. « Mark a été dirigé vers notre service à l’âge de 11 ans, raconte le Dr Mazer. Cela faisait six ans qu’il souffrait de pneumonie récurrente. Bien que sa mère ait consulté de nombreux médecins, elle sentait que quelque chose d’autre n’allait pas avec la santé de son fils en général, et elle a poussé ses recherches. » Comme Mark était un garçon particulièrement solide et qu’il avait l’air en santé, certains de ses symptômes sont passés inaperçus. Finalement, un collègue du CHUM Sainte-Justine a effectué un test de dosage des immunoglobulines sériques qui a révélé que Mark n’avait pas d’anticorps, ce qui expliquait pourquoi il était toujours malade. « Il nous a envoyé Mark en raison de notre expertise en ce domaine, explique le Dr Mazer. À son arrivée, Mark avait les poumons en mauvais état, mais nous avons pu renverser la situation grâce à la physiothérapie et aux traitements. Mais plus important, il profite encore aujourd’hui de notre programme d’injection d’anticorps, une question de survie pour lui. »
 
Des soins hyperspécialisés en immunologie
 
Qu’il s’agisse de greffe de moelle osseuse ou de perfusion intraveineuse d’anticorps, le département d’allergie et d’immunologie de L’HME offre plusieurs programmes de soins et de diagnostics hyperspécialisés pour les troubles d’immunodéficience. Le département a été le premier au Québec à offrir un service de perfusion d’anticorps aux patients à domicile. Les patients qui manquent de neutrophiles, des cellules immunitaires, ou qui n’ont pas d’enzymes des neutrophiles, essentielles à la vie, sont aussi pris en charge par le département. « Ces patients souffrent d’infections cutanées ou pulmonaires, principalement causées par des bactéries ou des champignons. On les soigne au moyen de médicaments qu’ils doivent prendre toute leur vie; et s’ils ne sont pas vigilants, ils peuvent être très malades », ajoute le DMazer.
 
Le département reçoit également des patients qui manquent de lymphocytes T. Ces patients sont susceptibles de contracter de graves infections virales, parasitaires et bactériennes. « Malheureusement, ces enfants ne s’en sortent pas toujours bien. Ils doivent subir une greffe de moelle osseuse tôt dans leur vie; autrement, ils risquent de souffrir de complications et de maladies graves. Pour nous, ce sont les patients qui présentent le plus grand défi », explique le DMazer.
 
Recherche, le projectile magique
 
« Ne serait-il pas fantastique de pouvoir vacciner les enfants allergiques aux arachides, demande le Dr Mazer? Pensez à l’énorme soupir de soulagement que pousseraient des milliers de parents et d’enfants. »
 
Cette perspective n’est peut-être pas si lointaine. Le Dr Mazer et la Dre Christine McCusker, sa collègue allergologue à L’HME, cherchent à comprendre comment se développent les allergies au niveau cellulaire, un travail qui pourrait les rapprocher d’une solution aux problèmes d’allergies aux arachides.
 
« Au moyen de modèles animaux, la Dre McCusker cherche la meilleure approche pour vacciner les nouveau-nés afin de prévenir les allergies. Elle en arrive à des stratégies intéressantes qui pourraient mener au développement de nouveaux traitements », ajoute le DMazer.
 
D'autres projets de recherche sont en cours au département, notamment sur le développement d’un programme de désensibilisation orale, sur l’évaluation de l’innocuité du vaccin contre la grippe (vaccin contre la grippe H1N1 et vaccin antigrippal chez les patients allergiques aux œufs) et sur un registre d’évaluation de l’allergie aux arachides, impliquant l’évaluation des données démographiques et du traitement ainsi que des stratégies en milieu scolaire et des stratégies d’adaptation.
 
Formation : le secret d’un verdict précoce
 
« Nous avons un excellent programme de formation. Nous avons déterminé que l’idéal était de former les allergologues et de les envoyer dans les communautés du Québec, là où ils sont les plus utiles. Nous continuons à communiquer avec nos collègues de l’extérieur, et nous nous réunissons chaque année lors d’une retraite pour nous informer sur les plus récentes tendances en matière de maladies et de traitements », conclut le Dr Mazer. Cette formation continue profite aux médecins évidemment, mais également aux patients comme Mark, puisqu’elle peut donner lieu à des diagnostics plus précoces et entraîner moins de conséquences à long terme.
 
Pour en savoir plus au sujet de la retraite, rendez-vous au www.enfantallergie.com.