Comment l’esprit d’entreprise d’un jeune patient l’a aidé à lutter contre la fibrose kystique

« Comme j’ai reçu mon diagnostic de fibrose kystique à 10 ans, je ne me vois pas comme un enfant malade, parce que j’ai vécu les 10 premières années de ma vie normalement. »

Tous les matins, Alek Leboeuf, 17 ans, se lève, fait ses exercices, prend un gros déjeuner et commence sa journée. Mais quand il était bébé, sa réalité était bien différente. « Alek était toujours malade. Il était très souvent hospitalisé pour des infections, des bronchites et des pneumonies », se rappelle sa mère, Mélanie Guérin. Après avoir souffert d’une infection presque fatale, il a été transféré à l’Hôpital de Montréal pour enfants (HME) où une équipe de spécialistes l’a suivi de très près; mais personne n’arrivait à comprendre ce qui rendait malade le jeune garçon.

Le diagnostic

En 2011, ses médecins ont fait une percée énorme. Ils ont diagnostiqué chez Alek une forme rare dite « variante » de la fibrose kystique (FK). « Pour dépister cette maladie, nous faisons des tests de sueur et des tests génétiques, mais les résultats d’Alek ne correspondaient jamais à nos critères », explique le Dr Larry Lands, directeur du service de médecine respiratoire pédiatrique et de la clinique de fibrose kystique à l’HME. Les enfants atteints de fibrose kystique ont en moyenne cinq fois plus de sel dans leur sueur; dans le cas d’Alek, c’était deux fois et demie. « Ces formes variantes sont généralement moins graves, et se manifestent souvent plus tard dans l’adolescence », précise le Dr Lands.

La fibrose kystique est une maladie génétique multisystémique qui affecte l’appareil digestif et les poumons, mais aussi les glandes exocrines, occasionnant une surproduction de mucus anormalement épais. Et parce que le mucus épais bloque les canaux pancréatiques, les intestins et les bronches, les patients souffrent d’infections respiratoires. Sans un traitement et des exercices appropriés, ces infections pulmonaires incessantes peuvent entraîner la destruction des poumons et une perte de la fonction pulmonaire.

Les traitements

Les spécialistes recommandent certaines techniques de dégagement des voies respiratoires pour aider les patients atteints de FK à décoller et évacuer le mucus épais et collant de leurs poumons. Le dégagement des poumons aide à diminuer les infections pulmonaires, mais aussi à améliorer la fonction respiratoire avec le temps. L’une de ces techniques est la « percussion thoracique », souvent appelée claquade, ou même clapping. Deux fois par jour, Mélanie devait tapoter la poitrine, le dos et l’estomac d’Alek pour aider à dégager le mucus. « Nous utilisions cette technique quand il était plus jeune, et ça nous prenait une vingtaine de minutes », rapporte sa mère.  

Maintenant, Alek utilise un appareil à pression positive expiratoire (PPE) pour aider à décoller le mucus. Chaque matin, il respire à travers un embout buccal portable qui lui permet d’inspirer facilement, mais rend difficile l’expiration. Le fait de respirer contre une résistance aide à pousser l’air derrière le mucus, et loin des poumons et des parois bronchiques. « Je préfère cette technique parce que je peux la faire tout seul », raconte Alek.

L’activité physique régulière et une bonne alimentation sont d’autres outils pour aider les patients à mieux gérer leur FK. « Parce que le mucus s’accumule le long des parois intestinales du patient, le pancréas a plus de difficulté à bien décomposer les aliments, c’est pourquoi nos patients ont autant de mal à prendre du poids », explique le Dr Lands. Les patients atteints de FK courent aussi beaucoup plus de risque de souffrir de malnutrition, parce que leur corps n’absorbe pas bien la nourriture. Normalement, les gens absorbent 95 % des matières grasses qu’ils ingèrent, tandis que les patients atteints de FK en absorbent plus près de 50 %.

La volonté

Après avoir pris connaissance des bienfaits de l’exercice, Alek a réfléchi à la meilleure manière de rester en santé. À 13 ans, il a décidé de commencer à tondre la pelouse pour ses voisins. « J’ai lancé une petite entreprise appelée “Éco-Pelouse” dans ma ville natale de Saint-Sabine, dit-il. Je voulais être écoresponsable, en raison de ma fibrose kystique, c’est pourquoi j’ai utilisé une tondeuse à batterie. » L’été suivant, il avait davantage confiance en lui et il a commencé à imprimer des cartes professionnelles. Puis, l’an dernier, il a emprunté de l’argent à sa grand-mère et a acheté un tout nouveau tracteur. « Je suis passé de 5 à 15 clients en un été, et mon voisin et mentor Stephan Cabana, m’apprend aussi à déneiger, ajoute Alek. J’ai déjà remboursé presque la totalité de l’argent à ma grand-mère. »

Il a tellement son entreprise à cœur qu’il a même créé un logo d’entreprise et imprimé du matériel promotionnel, dont des aimants, des chapeaux et des stylos. « J’ai aussi mis des autocollants sur les tracteurs et la camionnette », dit-il en riant. Il pense maintenant faire carrière dans le domaine de l’aménagement paysager et de l’agriculture. « J’ai aussi un TDAH, alors gérer ma propre entreprise m’a aidé à me concentrer. Ça m’a donné un but. Et ça m’aide aussi parce que j’ai des idées plein la tête et une tonne d’énergie à brûler! J’adore travailler de mes mains et je veux vraiment faire ça dans ma carrière », ajoute-t-il.

Alek a aussi commencé à s’entraîner avec un entraîneur personnel, et la combinaison de la musculation et de la tonte de pelouse a énormément amélioré sa fonction pulmonaire. Il a même réussi à prendre du poids en consommant 6 000 calories par jour. « Alek peut manger autant parce qu’il brûle énormément de calories avec tout ce qu’il fait », explique le Dr Lands. Même une opération récente à la colonne vertébrale ne l’a pas arrêté. « Alek a aussi une double scoliose, et en novembre dernier, il a subi une grosse opération pour redresser son dos, raconte sa mère. Mais ce n’est pas tout; la semaine suivante, il était de retour en salle d’opération à cause d’une appendicite. Voilà mon Alek! On ne s’ennuie jamais avec lui. C’est l’enfant le plus déterminé que j’aie jamais connu, et il ne laisse jamais quoi que ce soit l’arrêter. »

Il n’y a pas que la famille d’Alek qui a été marquée par sa détermination à rester en santé. Toute son équipe de soins parle souvent de lui comme d’une inspiration. « La résilience d’Alek est remarquable. Il a tellement surmonté de problèmes de santé, et il continue à faire tout son possible pour rester en santé, dit le Dr Lands. Il n’accepte pas d’être vu comme une victime, et c’est très inspirant à voir. »