Les taux d'automutilation et de suicide chez les jeunes à la hausse

Conférence sur les signaux d’alarme et les thérapies diagnostiques

Par : Christine Zeindler

« Un enfant qui vient au monde aujourd’hui vivra en moyenne près de 80 ans. Mais, le défi, c’est de lui faire traverser ses 16, 17, 18 et 19 ans – la période la plus risquée de sa vie. Un jeune avec une voiture, un jeune avec un fusil ou un jeune avec une bouteille, n’importe laquelle de ces combinaisons constitue un risque bien plus sérieux qu’une attaque terroriste ou une grippe. » Cette déclaration désarmante du journaliste d’opinion du New York Times Timothy Egan formait une toile de fond tout à fait appropriée pour une conférence tenue le mois dernier à Montréal sur « l’automutilation et le suicide chez les jeunes ». Des éducateurs, des thérapeutes, des infirmières, des psychologues et d’autres professionnels des soins aux enfants étaient réunis pour en apprendre davantage sur les techniques diagnostiques, les tendances et les thérapies les plus récentes pour les adolescents en crise. L’événement était organisé par la division de pédopsychiatrie McGill avec L’Hôpital de Montréal pour enfants, l’Institut universitaire en santé mentale Douglas et l’Hôpital général juif Sir Mortimer B. Davis. Docteur Éric Fombonne, directeur du service de psychiatrie à L’HME, en assurait la présidence.  

La conférencière Barbara Stanley, du département de psychologie de la City University of New York, a parlé des liens qui existent entre l’automutilation et le suicide chez les préadolescents et les adolescents, et de la hausse de ces comportements. « Depuis quelques années, il semble y avoir une hausse des taux de suicide chez les adolescents, alors qu’ils étaient en baisse auparavant. »

Elle définit l’automutilation comme la destruction délibérée et répétitive de son propre corps. Comment une coupure au bras faite volontairement peut-elle mener à une véritable tentative de suicide? Selon Dre Stanley, les comportements d’automutilation, comme se couper, se brûler ou se frapper soi-même, diffèrent des comportements suicidaires. La plupart du temps, on observe des comportements d’automutilation chez des personnes qui souffrent de dépression majeure ou chez qui on a diagnostiqué un trouble de la personnalité limite (TPL), c’est-à-dire un problème de santé mentale caractérisé par une instabilité émotionnelle et comportementale. Ces personnes se font du mal dans l’espoir d’atténuer leur tension émotionnelle et de reprendre le contrôle. Il s’agit souvent d’une solution rapide pour soulager le stress et se calmer. Alors que les personnes qui s’automutilent utilisent la souffrance pour se sentir mieux, celles qui tentent vraiment de se suicider cherchent à mettre un terme à toutes leurs émotions.

Bien que les comportements automutilateurs et suicidaires diffèrent, il est possible d’observer les deux chez une même personne. Entre 55 et 85 pour cent des personnes qui s’automutilent ont tenté au moins une fois de se suicider. Pour certaines, notamment celles qui souffrent de TPL, les tentatives de suicide servent de soupapes émotionnelles, comme les épisodes d’automutilation; ces personnes se sentent soulagées après coup. Étant donné le taux de suicides réussis, ces faits sont alarmants puisque, selon Dre Stanley, jusqu’à 11 pour cent des adolescents suicidaires mourront. Alors, comment les intervenants, les membres de la famille et les amis peuvent-ils faire la différence entre l’automutilation et le suicide? Dre Stanley affirme que les parents doivent considérer l’automutilation comme un signal d’alarme du suicide. « Si un enfant se blesse lui-même à répétition, il a besoin d’aide. »

L’aide fournie aux personnes qui s’automutilent et à celles qui tentent de se suicider est semblable et peut faire appel à la thérapie, à la médication ou à une combinaison des deux. La thérapie cognitivo-comportementale fait partie des thérapies utilisées; elle met l’accent sur la diminution des actes négatifs, la thérapie familiale et la psychoéducation. La nouvelle approche de thérapie comportementale dialectique est aussi utilisée avec ces patients. Il s’agit d’un traitement qui pondère la validation et l’acceptation de la situation d’un patient tout en l’incitant à modifier son comportement et à développer de nouvelles habiletés d’adaptation. Cette approche s’est avérée utile, notamment auprès d’adolescents atteints de TPL ou d’adolescents suicidaires présentant de multiples problèmes.

Mais, pour plusieurs de ces adolescents, il y a de l’espoir. Dans bien des cas, ces comportements suivent leur cours durant cinq à dix ans, sauf pour les adolescents qui tombent dans une phase de dépression plus profonde.

Facteurs de risque de comportement automutilateur (Réf. : Centre de prévention du suicide; ACSM)

Les risques ou facteurs prédisposants au comportement automutilateur peuvent inclure :
·Surconsommation de drogue et d’alcool
·Troubles de l’alimentation
·Signes de dépression
·Incapacité à exprimer ses émotions
·Sentiment d’inutilité
·Sentiment d’abandon
·Rupture ou absence de relations amicales

Signes d’automutilation
Les personnes qui se blessent elles-mêmes essaient souvent de garder leur comportement secret, le rendant plus difficile à détecter.
(Réf. : mayoclinic.com)

Les signes d’automutilation peuvent inclure :
·Cicatrices (de brûlures ou de coupures)
·Coupures, éraflures ou autres blessures
·Ecchymoses
·Fractures
·Garder en main des objets coupants
·Passer beaucoup de temps seul
·Porter des manches longues ou des pantalons même par temps chaud
·Affirmer avoir de fréquents accidents ou mésaventures