Nouvelles cliniques répondant aux besoins particuliers des adolescents et des jeunes adultes atteints d'un cancer

Sébastien Daigle est âgé de 27 ans. Il est amoureux, il vient tout juste de s'acheter un appartement en copropriété et, pendant que j'attends pour lui parler, il regarde des vidéos sur une console portable Playstation de Sony (Sony PSP). La seule chose qui le distingue de la majorité des jeunes de son âge est le fait qu'il a le cancer.

« Je suis atteint du sarcome d'Ewing », explique Sébastien, qui mesure 6' 4", tout en changeant de position sur la chaise de la Clinique d'oncologie du jeune adulte du CUSM, à l'Hôpital Royal Victoria - la première clinique du genre au Canada. Des tubes sortant de sous son chandail sont reliés à un sac contenant le traitement de chimiothérapie accroché sur un support pour intraveineuse placé à côté de lui. « Ce type de cancer peut débuter dans les os ou dans les tissus mous. Le mien a commencé dans la clavicule. »

Sébastien a reçu un diagnostic de cancer en 2001. On lui a retiré la clavicule ainsi que deux côtes, puis il a été traité en radiothérapie et il a subi un traitement de chimiothérapie très agressif. Malheureusement, cinq ans après le diagnostic initial, on a découvert que le cancer s'était propagé à ses poumons. Il y avait trois masses dans le poumon gauche et une masse dans le poumon droit. Il a donc été adressé immédiatement au Dr Petr Kavan, fondateur et directeur de la Clinique d'oncologie du jeune adulte.

Chaque année, la Clinique d'oncologie du jeune adulte accueille environ 60 patients dont l'âge varie de 18 à 29 ans. Environ 40 d'entre eux se font traiter à l'Hôpital Royal Victoria et 20 autres à l'Hôpital général juif, où une clinique analogue a été créée. Le Dr Kavan travaille conjointement avec l'Hôpital général juif, il est ainsi l'un des rares oncologues à travailler pour les deux établissements. La clinique aide les jeunes patients atteints d'un cancer à réduire le stress auquel ils font face grâce à un programme multidisciplinaire orienté sur la compassion envers les patients. Ce programme touche à la fois aux dimensions physique, psychologique et sociale de leur maladie tout en facilitant la transition entre les soins destinés aux patients du service de pédiatrie et ceux destinés aux adultes.

Le Dr Kavan, d'origine tchèque, a été formé en oncologie pour travailler auprès des enfants et des adultes. Il a fondé la clinique d'oncologie il y a plus de trois ans, soit moins de trois ans après être arrivé à Montréal pour se joindre au CUSM. Le Dr Kavan avait constaté des lacunes relativement à la transition des jeunes patients cancéreux de l'unité pédiatrique vers les unités de soins pour adultes, au sein du CUSM ainsi que dans l'ensemble de la province. « Les adolescents et les jeunes adultes qui étaient transférés dans des unités de soins pour adultes étaient littéralement traités pour leur cancer de la même manière que les adultes », explique le Dr Kavan. À ce jour, des études ont démontré que les résultats obtenus pour le traitement des adolescents et des jeunes adultes dans les unités pour adultes sont inférieurs aux résultats obtenus lorsque ces mêmes patients sont traités en pédiatrie.

Selon le Dr Kavan, même si les résultats obtenus sont les mêmes, à long terme, soit près de 20 ou 30 ans plus tard, les patients risquent tout de même de voir la maladie réapparaître. Dans le cas des jeunes adultes, le facteur temps fait en sorte que les risques de développer des cancers secondaires sont plus élevés. Par exemple, avec la maladie de Hodgkin, le patient peut être traité à l'âge de 20 ans et être déclaré guéri, mais les statistiques montrent qu'au cours des 30 années suivantes, les risques de développer un autre type de cancer s'élèvent à 30 %. Voilà pourquoi les traitements doivent être ajustés afin de s'assurer que l'on attaque le cancer de la manière la plus agressive qui soit. Toutefois, les conséquences à long terme (à la fois médicales et psychosociales) doivent être prises en considération. Le suivi continu des patients est donc essentiel.

Par ailleurs, les adolescents et les jeunes adultes sont aussi très différents des patients plus âgés qui ont le cancer. À cet âge, les jeunes sont surtout préoccupés par leur entrée au cégep, à l'université ou sur le marché du travail et par le désir de fonder une famille. Un diagnostic de cancer à cet âge, c'est comme une gifle que le jeune recevrait en plein visage, à un moment de sa vie où il recherche l'indépendance. Par conséquent, cela signifie qu'il a aussi besoin d'un soutien social et psychologique. Par exemple, seulement 20 % des enfants et des adolescents qui survivent à un cancer du cerveau sont entièrement fonctionnels après leur traitement. La plupart d'entre eux ne sont pas capables de reprendre le cours de leur vie normale. C'est pourquoi le plan de traitement pour ce groupe d'âge doit être adapté aux besoins particuliers de ces patients une fois que le cancer a été éradiqué. « Ils sont dirigés vers des travailleurs sociaux, des psychologues (des psychiatres, si nécessaire), vers la Clinique de reproduction ou le Centre de réhabilitation », explique le Dr Kavan. « Ils sont aussi immédiatement intégrés dans un groupe de soutien. »

Le Dr Lawrence Hoffman, un des psychiatres du CUSM qui travaillent avec les adolescents et les jeunes adultes atteints d'un cancer, apprécie le fait qu'il traite ses patients à la Clinique d'oncologie du jeune adulte. « J'ai accès rapidement aux infirmières, à l'information relative au patient et aux cliniciens. J'aime bien en parler comme d'un centre tout-en-un », explique le Dr Hoffman. « C'est l'avantage de traiter les jeunes patients sur place au lieu de les adresser à des services psychiatriques offerts à l'extérieur de l'hôpital. »
« J'offre un soutien social et psychologique. Ici, à la clinique, nous essayons d'interagir de la meilleure façon possible avec les procédures de traitement. Je me préoccupe des forces et des faiblesses de la personne et j'essaie de voir comment son comportement peut l'aider à surmonter les difficultés qu'elle éprouve. À partir de là, je l'aide à faire face à la situation sur une base quotidienne. »

Christine Leblanc, infirmière pivot en oncologie au CUSM, (des infirmières qui gèrent les cas, coordonnent les soins et offrent un soutien aux patients atteints d'un cancer et à leur famille) joue un rôle essentiel. Elle assiste aux rencontres entre le patient, la famille et les médecins et elle présente les renseignements en utilisant des termes plus faciles à comprendre. Mme Leblanc coordonne aussi le plan de traitement au sein des divers établissements du CUSM. Si un patient doit être admis à l'hôpital, elle s'occupe des détails de son admission et elle communique avec tous les membres de l'équipe multidisciplinaire, ainsi le jeune patient peut conserver toute son énergie pour se battre contre la maladie. « Mon rôle consiste à aider le patient et sa famille à cheminer dans le système de santé », explique Mme Leblanc. « J'essaie de m'assurer qu'ils ne tombent pas dans les failles du système et de faciliter du mieux possible leur expérience avec les traitements de chimiothérapie. »

« Tous les éléments sont abordés dans le plan de traitement, en coordination avec les nombreux intervenants », explique le Dr Kavan. « Les soins ne devraient pas être prodigués de manière isolée. Le fait d'être capable de travailler dans le grand réseau de santé de l'Université McGill nous permet d'avoir accès à une expertise exceptionnelle. »

« Je sais que je suis en bonnes mains », affirme Sébastien, en frottant sa tête dégarnie et en se préparant à partir.

Julia Asselstine - CUSM