Réactions allergiques graves : l'épinéphrine est le seul traitement... et reste sous-utilisée

Administrée tôt, elle permet pourtant de réduire les séquelles importantes.

Montréal, le 23 août 2021 – Utiliser l’épinéphrine rapidement pour traiter les réactions allergiques graves (anaphylaxie) permet de réduire les décès, les séquelles et le risque de récurrence des symptômes. Pourtant, on ne s’en sert pas suffisamment hors des hôpitaux.

Selon une étude publiée dans The Journal of Allergy and Clinical Immunology: In Practice, seuls 20,98 % des enfants et 7,17 % des adultes dans le monde utilisent l’épinéphrine avant de se présenter à l’hôpital.

Dr Moshe Ben-Shoshan, chercheur principal de l’étude à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill, spécialiste en allergie et immunologie pédiatrique à l’Hôpital de Montréal pour enfants et professeur agrégé au Département de pédiatrie de l’Université McGill, explique : « Les décès suivant une anaphylaxie causée par les aliments surviennent en moyenne après 30 minutes. On ne peut nier les avantages d’utiliser l’épinéphrine tôt pour prévenir des séquelles ou la mort, même si cette dernière reste rare ».

L'étude, à laquelle a aussi participé Allergies Alimentaires Canada, demeure la toute première analyse systématique et méta-analyse sur l’utilisation de l’épinéphrine hors des hôpitaux. Les chercheurs ont examiné pas moins de 7012 études scientifiques publiées entre avril 2010 et avril 2020, révélant l’importante sous-utilisation de l’épinéphrine par ceux qui vivent l’anaphylaxie.

DES OBSTACLES À L’AUTO-INJECTION

« Même si l’utilisation précoce de l’épinéphrine est cruciale pour améliorer l’issue du traitement de l’anaphylaxie, elle demeure assez basse à l’échelle internationale. Les connaissances et la sensibilisation à l’importance d’une réponse rapide doivent être améliorées », mentionne la première auteure de l’étude, Laura May Miles, chercheuse associée à l’Université McGill et membre de la Division d’allergie et immunologie clinique de l’Hôpital de Montréal pour enfants.

La recherche révèle deux raisons principales à la sous-utilisation de l’épinéphrine : ne pas avoir d’auto-injecteur avec soi et ne pas s’en servir. Plusieurs études indiquent que près de la moitié des Canadiens souffrant d’allergies alimentaires n’amènent pas leur auto-injecteur avec eux, croyant qu’ils n’en ont plus besoin, ou que le fait d’éviter certains aliments offre une protection suffisante. De surcroît, plus de la moitié des personnes diagnostiquées avec des allergies alimentaires en Amérique du Nord ne se font pas prescrire d’épinéphrine. Le taux de renouvellement se situe aussi sous 50 %.

CHANGER LA SITUATION

La méconnaissance entourant les auto-injecteurs perdure. On ignore souvent que l’épinéphrine est le premier traitement contre l’anaphylaxie et peut être utilisée de façon sécuritaire. Plusieurs études rapportent que la population a une compréhension limitée de quand et comment se servir d’un auto-injecteur.

La recherche montre aussi que le taux d’utilisation de l’épinéphrine pour traiter l’anaphylaxie est moins élevé dans les écoles qu’à la maison. Au Canada, 20 % des réactions allergiques surviennent pourtant dans les établissements scolaires. Il est donc nécessaire que l’épinéphrine y soit disponible et que le personnel soit formé pour l’administrer.

À la lumière de cette analyse, les chercheurs recommandent de stocker des auto-injecteurs d’épinéphrine sans ordonnance dans les écoles et les établissements publics afin d’être utilisés en cas d’urgence et d’accroître l’accès à cette médication, qui peut sauver des vies.

« Cette recherche réaffirme le besoin pour une politique et un programme éducatif visant à prévenir les réactions allergiques et, si elles surviennent, s’assurer que l’anaphylaxie est identifiée et traitée adéquatement dans la communauté. Les écoles et établissements publics où l’on sert de la nourriture seraient un bon point de départ », souligne Jennifer Gerdts, directrice générale d’Allergies Alimentaires Canada.

Le stockage de l’épinéphrine dans certains établissements devrait être considéré pour en faciliter l’accès (comme c’est déjà le cas avec les défibrillateurs au Canada) et pourrait contribuer à réduire les coûts médicaux liés au traitement de l’anaphylaxie.