Le parcours saisissant de Sarah

Le 26 mars, c’est la Journée lavande visant à sensibiliser les gens à l’épilepsie dans le monde

En mai 2011, Jessica Lowe et son conjoint, Jonathan Tinkler, étaient impatients d’accueillir Sarah, leur second enfant. Mais à 3 semaines à peine, Sarah a commencé à présenter des symptômes inquiétants, se rappelle Jessica. « Elle avait bien du mal à téter, et elle s’est mise à refuser de s’alimenter complètement, dit-elle. À peu près au même moment, nous avons remarqué que sa tête avait l’air plus grosse, et qu’elle était de plus en plus léthargique. Nous avons aussitôt décidé d’aller à l’Hôpital de Montréal pour enfants. »

Les moments qui ont suivi sont gravés dans la mémoire de Jessica comme l’instant où tout a changé. Elle raconte : « Nous nous sommes retrouvés à l’urgence. L’infirmière a retourné Sarah et a demandé : “Trouvez-vous que sa tête est grosse?” Aussitôt arrivé, le médecin a fait état des mêmes inquiétudes. Puis, des spécialistes de la santé se sont succédé auprès d’elle, à faire des tests, prendre des images… tout se faisait en même temps. »

Puis, le Dr Jean-Pierre Farmer, neurochirurgien pédiatrique, est venu voir Jessica et son conjoint Jonathan pour leur annoncer le diagnostic. Sarah avait un tératome, c’est-à-dire une masse dans le cerveau qui était plus grosse que tout ce qu’il avait vu jusqu’à ce jour chez un bébé de sa taille. À 3 semaines, Sarah devait subir une intervention neurochirurgicale de 8 heures pour retirer cette masse.

Se préparer aux crises

Les mois qui ont suivi la première opération ont été un véritable tourbillon. L’espace que la tumeur avait occupé dans le petit cerveau de Sarah risquait de se remplir de liquide, et il a fallu installer une dérivation pour le drainer. En tout juste 5 mois, Sarah a dû subir sept opérations.

Quand la tumeur a été retirée, on a informé la famille que Sarah aurait à prendre des médicaments antiépileptiques à cause de l’activité anormale dans son cerveau. L’équipe de soins de Sarah a prévenu Jessica que des crises pouvaient survenir à tout moment, mais rien n’aurait pu la préparer à la première crise, en mars 2014, alors que Sarah avait 3 ans.

« C’est la chose la plus effrayante que j’ai jamais vue », raconte Jessica, précisant que Sarah avait commencé à vomir en plein milieu de la nuit. Elle se revoit courant, en pensant qu’elle était malade. « Ses yeux bougeaient d’un côté à l’autre, et son côté gauche était tout agité par des secousses. Comme j’ai un frère qui souffre d’épilepsie, je sais que les crises s’estompent après quelques minutes; mais après 5 minutes, celle-là ne voulait pas s’arrêter. Nous avons appelé une ambulance, et il a fallu lui administrer des médicaments antiépileptiques à son arrivée à l’hôpital pour enrayer la crise. Ses 6 premières crises cette année-là ont toutes duré plus de 50 minutes. »

Gérer une maladie souvent ingérable

Dans les années qui ont suivi, les crises de Sarah sont passées de 50 minutes à 5 minutes, puis elles ont disparu pendant toute une année grâce à une combinaison de médicaments. Mais, comme c’est le cas avec n’importe quelle maladie chronique, les symptômes peuvent être compliqués à gérer, et les crises de Sarah ont recommencé il y a deux ans, en se manifestant différemment. « Elle a commencé à tomber très souvent, explique Jessica. Elle est déjà semi-paralysée du côté gauche, alors j’ai d’abord pensé que c’était un peu de faiblesse musculaire. Nous avons consulté en physiothérapie et fait d’autres examens, mais les résultats n’ont rien montré de concluant. Toutefois, les crises ont continué et demeuraient incontrôlables. »

Envisager une opération déterminante

C’est à cette période qu’on a dirigé la famille vers le Dr Kenneth Myers, neuropédiatre. « Le Dr Myers a observé Sarah et il a vite confirmé que même si ces tests ne montraient pas de signe d’activité épileptique, ses épisodes de chute étaient vraiment des crises d’épilepsie », rapporte Jessica. On lui a donné toute une panoplie de médicaments différents pour essayer de mieux contrôler sa maladie, mais les crises se répétaient, implacables, entre convulsions et épisodes de chute, sans signe d’apaisement. Après plusieurs essais de médicaments, les Drs Myers et Farmer ont voulu pratiquer d’autres examens pour trouver la zone précise du cerveau à l’origine des crises, dans le but de les arrêter, peut-être par une opération.

Juste avant Noël 2018, après avoir réexaminé les résultats d’examens de longue durée menés en tentant de provoquer des crises chez Sarah, le Dr Farmer a pris contact avec Jessica et Jonathan pour discuter des prochaines étapes. « Il nous a expliqué que l’activité cérébrale anormale de Sarah provenait du côté droit du cerveau, en 2 points distincts — ce même côté où on lui avait retiré une tumeur à l’âge de 3 semaines, raconte Jessica. Il a recommandé que Sarah subisse une hémisphérectomie pour couper les connexions entre les hémisphères gauche et droit afin d’éliminer complètement ses crises d’épilepsie. »

Une décision difficile à prendre

La décision de subir une intervention aussi majeure est tout sauf facile à prendre. Jessica raconte qu’on les a informés que l’opération avait un taux de succès de 90 % pour éliminer complètement les crises d’épilepsie, mais qu’il y avait aussi des effets secondaires à prendre en compte. Sarah risquait une paralysie du côté opposé, des problèmes de vision et une perte de mobilité à court ou moyen terme. « Malgré les risques, c’était tous des effets secondaires qui affectaient déjà Sarah, souligne Jessica. Les pires journées, Sarah peut faire jusqu’à 200 crises en 24 heures. Et même si elle se développe bien, qu’elle peut marcher, parler et aller dans une école ordinaire, elle a des problèmes de mobilité et des retards de langage. L’équipe nous a bien expliqué que l’opération améliorerait grandement le développement de Sarah. C’est une décision à laquelle nous avons longuement réfléchi. »

Après avoir discuté avec plusieurs familles dont les enfants ont été opérés avec succès, la famille a décidé d’aller de l’avant; et l’opération de Sarah est prévue d’ici la fin de l’année. « Nous savons que ce sera une grosse opération, et nous sommes prêts à faire face à ce qui vient avec, dit Jessica. Ce qui nous rassure le plus, c’est que ce soit le Dr Farmer qui pratique l’opération. Il a déjà aidé Sarah avant, et il n’y a personne en qui nous pourrions avoir plus confiance. Nous avons une formidable équipe autour de nous qui a déjà fait toute la différence pour Sarah et pour notre famille. »

« Malgré tout ce qu’elle a vécu, Sarah est une fillette de 7 ans heureuse et positive, qui a toujours le sourire aux lèvres. Elle sort même d’une crise en riant et en faisant des blagues. Je m’accroche à sa force et à l’aide autour de nous. C’est la plus incroyable des ressources », ajoute Jessica.